Une élève douée

Construction de ma sexualité - épisode 3
15 mars 2006 par  Solveig

Le sexe est un nouveau champ d’expériences, dont je suis inlassablement curieuse pendant tous les jours qui suivent. Je me rappelle faire du sexe sous la douche, debout, allongée sur son bureau, le chevauchant, de côté, dans toutes les positions que nous pouvons imaginer - et nous avons de l’imagination ! Il rit en disant que j’apprends vite, moi je ris de le surprendre : lorsque je lui dis après trois jours que je veux essayer la sodomie, son expression de stupéfaction me fait encore rire aujourd’hui. Il avait déjà essayé, mais me dit que ce n’avait pas été très bien. Nous tentons malgré tout (avec beaucoup de salive, nous n’avons pas de gel lubrifiant et je n’en avais même jamais entendu parler - j’ai découvert ça bien plus tard, et avec un autre). Nous apprécions tous les deux, et nous expérimentons ensuite le sexe avec une variable de plus.

Je prends vraiment beaucoup de plaisir avec lui, nous faisons beaucoup de sexe lorsque nous nous voyons (je pars un mois en Allemagne, pendant lequel il m’envoie une lettre tous les jours, avec chaque jour un bâtonnet de bois taillé et un plan dessiné, et ces morceaux s’emboîtent pour former un adorable petit casse-tête lorsque j’ai toutes les pièces ; et ensuite l’été est fini, je retourne au lycée et mes parents payent le train pour que j’aille le voir un week-end toutes les deux ou trois semaines).

Je prends vraiment beaucoup de plaisir avec lui, mais je n’ai jamais d’orgasme. Et je n’ai jamais osé lui dire, parce que je sentais qu’il le vivrait mal alors que c’est sans importance pour moi à cette période-là de ma vie : ça ne m’inquiète pas, je sais que ça viendra un jour ; en attendant j’ai des orgasmes seule et des sensations fabuleuses avec lui, et je suis bien. Je fais semblant pour lui faire plaisir, puisque visiblement il trouve normal, indispensable que j’en aie - impensable que ce ne soit pas le cas. Il faudrait se pencher là-dessus ensemble, qu’il soit patient pendant que j’apprends à partager cet instant intime, mais suite à sa question je n’ose pas lui dire, lui demander, alors je perfectionne ma simulation.

Alors petite précision : ça semble tellement "normal" de nos jours que les femmes doivent avoir des orgasmes, comme si c’était automatique. Comme si la sexualité n’était pas "complète" sans. Comme si on était malade lorsque ça n’arrive pas à chaque fois. Alors que ça s’apprend, ça se construit, ça dépend de l’humeur et du degré de fatigue et du niveau de confiance que l’on a en soi et en l’autre ; ça peut se rater à cause d’une mouche qui vole, d’un rythme qui change au mauvais moment, d’une idée qui revient à l’esprit et déconcentre. Et c’est pas forcément grave. L’orgasme, ça s’obtient bien plus facilement en se masturbant seule ; on est pas dépendantes de nos partenaires pour en avoir ; faire du sexe avec quelqu’un, c’est plutôt pour partager des sensibilités. Messieurs hétérosexuels, si votre copine / amoureuse / amante / femme a un orgasme à chaque fois, c’est qu’elle simule (parfois). Et ça ne veut pas (forcément) dire qu’elle "s’emmerde en baisant" [1] hein, on peut jouir sans jouir, par contre ça révèle sans doute que votre communication au sujet du sexe laisse à désirer (hum).

Je n’ai jamais osé lui dire, mais cela fait longtemps maintenant et j’espère que s’il lit cela il s’en fiche un peu. Je n’ai pas honte d’avoir simulé. Ce n’est pas "mal". Ce n’est pas "bien" non plus hein, mais... pendant un bon moment, je me suis sentie coupable de simuler. Alors que bon, je ne maîtrise pas d’avoir un (des) orgasme(s) ou pas. Et je n’étais pas à l’aise dans ces situations où, visiblement, mon partenaire [2] attendait cela de moi. Je ne l’ai pas fait dans le but machiavélique d’induire mon partenaire en erreur, je l’ai fait parce que je ne savais pas / n’avais pas la possibilité d’expliquer mon plaisir. Nous étions deux, dans ces situations, et je ne suis pas seule responsable des lacunes de notre communication.

Je ne dis pas que c’est "leur" faute, mais je refuse aussi de me culpabiliser. Je n’ai pas simulé contre quelqu’un, j’ai fait comme je pouvais. Maintenant je sais en général en parler avant, je suis moins gênée de dire que je n’ai pas eu d’orgasme (et que je suis quand même satisfaite, ou demander une participation pour l’être, ou me la donner moi-même en présence de quelqu’un). Mais aussi, j’ai eu des partenaires qui osaient dire « Je ne sais pas si tu as eu un orgasme ou non », et qui acceptaient l’idée que je sois satisfaite sans en avoir, parfois.

C’est dur, de parler de simulation. Certains vont juste conclure que je suis une sale menteuse, ce qui serait réducteur : toutes les fois où j’ai dit « j’ai eu un orgasme », c’était vrai. Et euh oui, il y a aussi plein de fois où je ne l’ai pas dit mais où c’était vrai. Et plein d’autres où ce n’était pas le plus important, vraiment.

Notes

[1] Brassens, pour celleux qui n’auraient pas reconnu.

[2] Avec les filles c’est différent.