À poil p’tit perdu

7 janvier 2007 par cum’rade

Rester habillé avec toi, parce que je suis bizarre ; d’accord, en même temps, fuck you.

La situation est la suivante, que je tente d’éclaircir : la ligne de peur entre nos corps semble se situer au niveau de la nudité. C’est-à-dire que tout va aussi longtemps que le corps est ressenti mais pas montré, que le désir peut se cacher la face à tout moment. D’après ce que je ressens, cette façon de faire sert à un but précis : ne pas formaliser le désir. Ne pas le nommer, le montrer. Le laisser deviner (« Je suis encore là » ou encore « Je ne me suis pas sauvé », entendu par-là que le désir est là, mais aussi qu’il fait peur, car pourquoi préciser qu’il a jamais été question de se sauver sinon ?), mais d’une manière assez floue pour qu’il puisse être nié à tout moment.

Ce qui n’est pas un mal en soi : le désir est effectivement quelque chose de flou, de mouvant. Et, surtout, il doit se garder la possibilité de dire « non » pour ne pas se transformer en viol.

Cela dit, y’a un truc qui me démange quand même.

Je sens que tu as peur. De moi. Comme tu l’as dis toi-même, "c’est bizarre, t’as des poils et tu sens... tu sens pas comme je suis habitué". Le problème, avec ces affirmations-là, qui sont par ailleurs vraies, c’est la façon dont elles sont présentées. Effectivement, j’ai des poils et je sens. Hum... so what ? Non seulement ces même poils et ces même odeurs m’ont déjà attiré des compliments autrement plus intéressants (« t’es beau », « tu sens bon », tsé, ce genre de trucs-là), mais je te retourne la question : qu’est-ce que tu désires d’autre ? Quels fantasmes te passent par la tête concernant les garçons ? Parce que je veux pas être plate, mais une fois déshabillés, ils sont tous un peu comme ça, avant d’être arrangés sur Photoshop : poilus, puants. Moi, j’aime bien ça. Je sais pas si j’aime ça en soi, en fait maintenant oui mais avant peut-être pas, mais j’ai jamais trouvé ça repoussant. Je veux dire que je crois pas que nos anormalités soient à prime abord séduisante (la séduction, c’est jouer avec les codes de la normalité, non ?), mais qu’elles sont attirantes, à la manière d’aimant. Et que, même, c’est elles qui font que chaque personne est un genre différent, en soi, et qu’on peut difficilement dire qu’on aime un certain type de personnes sans mentir sur le fait que chacune de ces personnes est particulièrement bizarre.

Le problème avec cette peur-là, avec ta peur, c’est qu’elle coïncide exactement avec mes peurs, à moi : celle de te faire peur, et celle (moins bien, plus honteuse) de ne pas être désiré. Et, d’après-moi, c’est cette double peur qui crée la nécessité d’un mince mur entre ce qu’on devine et ce qu’on montre : les vêtements.

Je dis pas qu’il faille, vite vite, se dépécher à tout montrer pour être « vrais ». Au contraire, le désir joue beaucoup sur ce qu’on ne montre pas, qu’on invente. MAIS, je crois que tu devrais essayer de trouver et de nommer ce qui fait que tu me trouves désirable, moi ou les garçons en général, avant de nommer ce qui te repousse. Parce que moi, ça me fait sentir assez mal, de ne me faire nommer dans mon corps que ce qui est différent par rapport à une fille. Encore une fois, ça me dérange pas en soi, et effectivement, le corps des garçons a été beaucoup moins dépeint en tant qu’objet désirable que celui des filles, alors ça te laisse moins de mot pour dire tes désirs quand tu as ces désirs-là, sinon que de dire ce qui est différent par rapport à l’objet de désir « universel » (la femme), mais... fuck off, trouve tes mots, man. Je suis différent, mais pas QUE différent. Sous ces vêtements-là, il y a pas que des poils et des odeurs, il y a aussi quelque chose qui t’attire, un peu comme un aimant... quoi ?

Là-dessus.
Monsieur, madame, j’ai envie de vous manger.