Voici des extraits d’une troisième lettre.
" Être femme, c’est tous les jours de l’action directe
Je doute. Je doute de tes capacités et de tes envies de déconstruction. Je doute que tu sois prêt à faire les efforts dont j’ai besoin. Je doute de la possibilité d’un réel changement et évolution. Je doute de mon envie à m’épuiser pour faire changer par un petit coin notre relation. Ras le bol. J’en ai marre de faire des efforts.
J’ai encore l’impression que c’est à moi de faire attention, d’amener les choses doucement, de ne pas trop t’agresser, de construire le bon moment, d’assumer, de me responsabiliser pour ce que j’amène... tabarnak une bonne fois pour toutes va-t-il être possible d’intégrer que dans l’histoire, l’agression vient de toi ? Je n’ai pas à assumer que le fait de l’exprimer puisse être violent. Je n’ai pas à devoir seule me confronter à toi.
Et c’est le cas. Non seulement tu n’amènes pas par toi-même ni l’espace pour en parler ni le fond, mais tu te sens attaqué quand j’aborde le sujet. Tu n’as pas d’altitude proactive, mais bien plus défensive. Évidemment que lorsque je réalise des choses sur moi, lorsque je réalise que j’ai été agressée ou bien complètement discriminée sexuellement, c’est sûr que ça a des effets sur toi : est-ce que j’ai besoin d’avoir à me justifier ? À m’excuser de réaliser que si j’ai été agressée, c’est parce que tu étais mon agresseur ?
Va péter dans les fleurs.
Pourquoi une telle rage depuis hier soir ? Vraiment, elle m’étonne un peu. Mais si elle peut paraître déconnectée, elle n’en est pas moins fondée. Et pour une fois j’ai envie de l’exprimer, pour moi. C’est sûr que la journée de samedi m’a permis une remise à neuf quant à mes réflexions sur moi. Et puis je ne sais pas pourquoi la discussion de hier soir m’a rendue tellement furieuse ensuite... Le peu d’espoir que j’avais d’arriver à partager avec toi d’une façon un peu plus facile ce que je venais de réaliser s’est bien vite écroulé.
C’est sûr que la distance fausse l’appréciation de la situation et empêche de réelles avancées collectives. Je sais qu’il faut faire attention. Mais j’en ai ras le pompon. Et puis quand je regarde en arrière ça n’est pas très encourageant.
Je regarde l’effet de ma dernière lettre, celui que je perçois en tout cas : 2 ou 3 jours d’instabilité et d’ébranlement, et puis ? on passe à autre chose ? Cette lettre m’a beaucoup ébranlée. Parce que je réalisais le potentiel de violence dans ce que j’exprimais. Parce que c’est sur moi que pesait cette violence, et sa responsabilité.
Et les premiers jours, ce que j’ai ressenti c’est sacrement mais j’aurais dû faire ça depuis le début ! C’est comme si pour la première fois tu réagissais vraiment à une de mes interpellations.
Mais sacrement, il y en a eu d’autres avant ! Est-ce que tu n’avais pas jugé le fond suffisamment pertinent les fois précédentes ? Ou bien la forme ne t’avait-elle pas touché ? Ça fait réfléchir. Parce que pour moi la dernière lettre, même si j’avais opté c’est vrai pour une forme bien plus confrontante, ne portait pas un message mille fois plus lourd que les autres. La forme de notre sexualité et le déséquilibre entre nous est pour moi tout aussi important, voir plus grave, que les moments explicitement agressants.
Je réalise que tous les efforts que j’ai fait précédemment n’ont pas changé grand-chose. En tout cas pas assez de choses. Ils n’ont pas été intégrés à une réflexion profonde et quotidienne. Ça me fait peur pour la suite. Et le fait que ma dernière lettre semble déjà reléguée à un second plan n’augure rien de bon.
J’envisage aujourd’hui une réelle révolution dans ma sexualité. Une remise en question profonde. Un renversement de vapeurs qui réinterroge tous les acquis. Je ne sens ni cette envie chez toi, ni l’espace pour la mettre en avant.
J’ai peur d’être prisonnière de notre banalité. Des choses qui semblent acquises entre nous. De tes exigences et de tes peurs irréductibles. De mes habitudes. De mon manque de courage et de force. De toi. De moi. Du nous.
Je ne me sens pas, plus capable d’assumer seule. "