Pourquoi des fêtes non-mixtes femmes, lesbiennes, trans ?

27 février 2008 par nini

Faire des groupes de femmes, pour parler du vécu des inégalités entre femmes et hommes, pour analyser l’oppression que l’on subit, là on voit bien. Mais pourquoi faire des fêtes entre femmes de tous poils ?

Parce que j’aime mieux ces ambiances. Pourquoi je préfère les fêtes non-mixtes ? Parce que dans ce cadre, les comportements qui me gâchent les fêtes ne sont pas là. C’est con, mais sans mecs, il n’y a pas plein de moments relous à gérer.

Parce que dans les fêtes mixtes, il y a toujours un mec pour me parler comme à une moule géante, comme si je ne suis pas un être humain, mais une chatte sur patte. Et qui m’insulte, me menace, ou est agressif avec moi quand je lui signifie que je veux bien parler avec lui, mais pas sur un thème sexuel. Et qui ne supporte pas que je sois désagréable quand il continue.

Parce que dans les fêtes mixtes, il y a toujours un mec pour venir bouffer notre espace quand je discute avec mes copines. Des femmes qui parlent ? Pas de soucis, on peut leur couper la parole, ah oui c’est l’homme qui arrive. Mais ça peut être plus subtil : parler fort à côté de nous, chanter, taper sur la table avec ses doigts, faire branler la chaise qui fait branler la pièce. Bref, toujours un mec pour ne pas supporter que quand il passe à côté de nous on ne le regarde pas, on ne s’occupe pas de lui.

Parce que dans les fêtes mixtes, il y a toujours des gens pour me regarder embrasser une autre meuf, comme si on était des animaux de foire, ou qui nous reluquent de façon intéressée, lubrique, comme si on était en train de faire un spectacle porno, ou, au pire, mais si courant, qui demandent de participer (parce que les lesbiennes ensemble, comment elles font pour baiser ???).

Parce que dans les fêtes mixtes, exister en tant que ce que je suis, lesbienne et féministe, il y a souvent des femmes et des hommes qui me disent gentiment que je le fais pas de la bonne manière : en tant que lesbienne, je suis trop visible, trop stéréotypée, trop masculine, trop féminine, je mets mal à l’aise les hétéros (...) et en tant que féministe, je suis pas sympa, trop agressive, sans humour, pas assez diplomate, trop diplomate, trop victime, trop violente... Bref, dans les fêtes mixtes, il y a toujours des gens ’dans la norme’ qui me disent très sincèrement comment il faut se comporter quand on n’est pas dans la norme, pour que les gens normaux ils soient content-e-s aussi, et surtout pour bien faire passer ton message ; parce qu’illes le savent bien mieux que toi, même si illes y ont réfléchi depuis deux heures, qu’illes te posent pas de question (parce que toi, tu ne te poses pas cette question à chaque fête mixte où tu étais venue pour t’amuser) et qu’illes ont jamais réfléchi à ce que je vis.

Parce dans les fêtes mixtes aussi, il y a toujours un mec bourré relou à la fin, dont il faut s’occuper, le pauvre chéri. Et qui menace de frapper quelqu’un-e ou de saloper ton lieu si tu t’occupes pas de lui.

Parce que dans les fêtes mixtes, on va pas demander une carte du gentil mec sympa, et que souvent celui qui va pas boire et gueuler, il va te draguer, celui qui est pas violent physiquement il va te faire la leçon de morale, celui qui est discret, il va quand même violer sa meuf... Bref parce que dans les fêtes mixtes, on va pas filtrer, et je vois pas sur quels critères on pourrait le faire vu que même mes potes mecs se retirent pas totalement de la tête que j’appartiens à une autre race qui a de fait moins de droit, de légitimité, ou alors, que je suis quand même, au fond, faite pour être baisée.

Parce que dans les fêtes mixtes, j’ai souvent des copines, des potes pédés ou racisés qui se font taper sur la gueule, et que ça me gâche ma fête (et qu’à force, je surveille quand j’arrive dans un endroit, lequel va nous agresser).

Parce que dans les fêtes mixtes, il y a souvent, vous l’avez compris, des mecs qui sont agressifs si tu leur réponds pas gentiment quand ils te parlent comme à un trou, si tu les regardes pas, si tu trouves la discussion avec ta pote plus intéressante, si tu montres que tu es lesbienne, si tu restes jusqu’à la fin, si tu baisses pas les yeux quand ils t’agressent, etc.

J’aime les fêtes non-mixtes, parce que enfin, je peux M’AMUSER TRANQUILLE, baisser ma garde, savoir que j’aurai pas à gérer tout ça, qu’on va me parler comme à un être humain, pas ’comme à une femme’, ’comme à une homo’, ou ’comme à une nana qu’il faut remettre à sa place parce qu’elle ne se soumet pas’. Je peux danser comme je le veux, sans qu’un gars croit que ça veut dire ’saute moi dessus’, je peux m’habiller comme je veux, me déssaper, sans que les nanas qui sont là, bien que certaines soient lesbiennes, croient que ça veut dire qu’elles peuvent se passer de mon consentement explicite pour me toucher, m’embrasser, coucher avec moi.

J’aime les fêtes non-mixtes parce que j’aime partager des moments de joie avec mes soeurs de condition, sans qu’il y ait un connard, camarade ou pas, pour nous pomper l’air. Et parce que des fois, si j’aime bien faire la fête en gérant l’embrouille, l’agressivité, ou en étant d’humeur guerrière, des fois, j’aime que non, j’aime bien faire la fête dans un monde moins con.