Just Human.

12 février 2009 par l’oiseau-noire

Pendant longtemps j’ai alimenté une haine profonde envers les hommes, envers leurs bites, leurs corps, leurs virilités, leurs êtres. Ils étaient des portes-monnaie ou rien. Certains ont voulu m’apporter de l’amour, de la tendresse, je n’attendais rien d’autre d’eux que des compensations matérielles ou financières. Et qu’ils ferment leur gueule. Toute marque de domination me rendait agressive, violente. Ca m’a valu d’en impressionner certains, de me faire péter la gueule et violer par d’autres. Dans les deux cas, on m’a souvent dit que je n’étais pas une fille. Tant pis, si être fille c’est être soumise et docile alors non j’en suis pas une.

J’étais alors sans doute bien trop radicale, dominante et machiste. Dans une incapacité totale à éprouver la moindre complicité avec un homme, même quand il ne montrait aucune marque de puissance virile. Ils étaient tous pour moi des pauvres cons, en manque de cul, d’amour ou d’affection. J’étais pourtant entourée que de mecs, c’étaient des potes, mais valait mieux pas pour eux qu’ils me parlent de leurs sentiments, de leurs faiblesses, de leurs pouvoirs ou de leurs fantasmes sexuels. Même si on était potes, je voulais qu’ils restent loin et qu’on risque pas de s’engager dans une relation affective.

J’ai d’ailleurs souvent joué avec le vice. En soirée, je les draguais, les excitais et puis les envoyais chier quand ils commençaient vraiment à se pisser dessus d’excitation. Voir les hommes fantasmer, ça me faisait pitié. Je les trouvais faibles, impuissants dans leur frustration. Et ça même quand elle les amenait à me baiser de force. Ils étaient des pauvres mecs en manque, j’en riais jaune. J’en avais rien à foutre qu’ils me violent, qu’ils se complaisent minablement dans une puissance dominatrice illusoire. Ils finiraient un jour ou l’autre par se faire castrer d’un coup sec entre les jambes.

Même après avoir arrêté de tapiner, et plus globalement de baiser.. même après avoir quitté le milieu viril dans lequel je traînais, et apaisé ma violence d’esprit.. J’étais toujours plongée dans une haine envers les hommes où ils se devaient de se ranger. J’étais armée moralement à défoncer toutes les marques d’affection ou de désirs sexuels des hommes.

Il y a quelques temps pourtant, j’ai commencé à déconstruire ce rapport que j’avais envers les hommes. Je crois que c’est venu après avoir débuté à m’identifier comme lesbienne. Je couchais, voire sortais, déjà avec des femmes avant ça mais j’avais alors encore jamais défini ma sexualité. Me définir en tant que lesbienne est ainsi devenu une nouvelle armure face aux hommes. J’étais sexuellement indépendante d’eux et ils ne pouvaient plus espérer m’avoir, peu importe sous quelle forme ils l’envisageaient. J’ai du coup commencé à développer quelques liens complices avec des potes masculins. Il n’y avait plus d’ambiguïté sur nos relations. Je cassais mes barrières, petit à petit.

Quelques mois plus tard je me relance dans la prostitution. Premiers clients déjà et je prends en pleine gueule les faiblesses et inquiétudes des hommes. Je travaille surtout dans les massages érotiques et tout ce qui s’en suit mais refuse la pénétration. Mes séances s’orientent finalement vers une sensualité, en conséquence sans doute, les clients à qui j’ai à faire sont en manque de tendresse et d’affection. Les premières fois me font un peu flipper, je me sens pas apte à entendre la douleur de ces hommes et encore moins à leur offrir de la douceur. Une de mes séances foire d’ailleurs, où je suis mal à l’aise face au caractère bienveillant du client. Au fil des séances, rapidement, je tends l’oreille et m’aperçoit que certains parlent à cœur ouvert, quittant alors tout rôle de comédien patriarche. S’ils essayent parfois de dissimuler leurs faiblesses derrière un quelconque argument, ils ne les cachent pas par d’autres sentiments et j’apprécie. En fait, je tombe de haut.

Tout ça a finit par changer radicalement mon rapport aux clients. Malgré le côté vénal, j’aime développer une relation amicale avec le client, se rapprochant alors d’un rapport amant-amante éphémère. En baisant je les regarde souvent dans les yeux, ça n’a rien d’hypocrite et je sais qu’ils en sont troublés, positivement. Je leur offre un amour passager et aujourd’hui je peux dire qu’il émane d’une sincérité. Quelques fois même, à la fin d’une séance, on m’invite au restaurant et j’accepte quand c’est sans équivoque.. et dans la mesure où ce n’est pas à Mac Do and Co ou CarnivoreLand ! Aussi, je sais que certains clients sont déçus que je ne jouisse pas malgré leurs efforts, mais c’est sans doute bien plus par manque de temps que de volonté. Et en vérité, il y aussi le fait que s’ils me paient c’est pour que je leur rende des services sexuels, à eux, et donc non pas pour que je jouisse, moi. Pour ça, on prend le temps de parler car je souhaite pas qu’ils se sentent en échec de ne pas faire jouir une femme dans ces conditions-là.