Complexualité

14 août 2009 par skizz

Entre ce que je veux, ce à quoi j’ai droit, celui que je m’accorde, ce qu’il veut lui, ce que je crois que cela implique et le reste.

J’ai pas le droit d’avoir envie, de vouloir juste ça. De prendre et de donner du plaisir.
De me sentir trembler sous ses caresses, de me cambrer, de suivre ses gestes.
J’ai pas le droit de m’oublier, de montrer ce que je suis quand je ne réfléchis pas.
Pas le droit de soupirer, les yeux mi-clos, la bouche entr’ouverte. D’être excitée quand il me dit "t’aimes ça", quand j’aime qu’il prenne possession de moi.
Pas le droit de vouloir lui faire plaisir, d’aimer le sentir en moi, le retenir, de différer le moment de l’apothéose, de le regarder dans les yeux, au fond de l’âme au moment où je/il/nous jouit.
Pas le droit de le monter, de le prendre, de me refuser pour mieux lui donner ensuite.
Pas le droit d’en redemander, pas celui de prendre l’initiative, de lui faire comprendre que je n’attend que ça. Même pas le droit de penser ou de lui dire que je l’aime
... Si on ne se connait pas.

Et quand ça craque, que je crois que je peux faire fi des prescriptions sociales, que je me fous pas mal de ce que les gens pensent que j’ai le droit de faire ou pas, quand je m’octroie le droit de jouir parce que c’est bon, juste pour ça, que l’envie devient trop pressante, que je déborde de désir. Quand il me plait, juste ça, pas de "connections" mentales, d’intérêts en communs, pas d’affinités-écran pour les galipettes, juste une histoire "d’envie de toi, maintenant, tout de suite", un truc sexuel de plaisir purement physique sans chichis. Et quand lui aussi, il a envie de moi.

Quand je fais pas semblant, je deviens chatte, je me permet tout ça et le reste, je nous avoue être de chair et de passion (un cliché ?), je suis soumise quand il se veut Mâle, coquine ou salope si ça me chante, je prends le contrôle si ça m’excite d’être comme ça. Le plaisir d’abord dans ce moment intemporel où j’ai oublié le monde, le plaisir d’abord et le reste jamais si possible.

Sauf que souvent, après, j’ai pas le droit d’attendre qu’au petit matin, il me regarde avec tendresse, puisse faire la part des choses entre Moi et Moi. Plus le choix d’être autre chose que la fille, dans ses yeux, presque lubrique, qui s’est donnée toute entière, sans plus de masque. Quand je jouis, je perds le contrôle et vous aussi. Y’a pas de faux semblant dans l’orgasme, du peu que j’en sais, le corps y est plus fort que la conscience. Alors l’instant d’après, le lendemain, quand l’ordre du monde nous a rattrapé, c’est comme si je n’avais plus le droit de demander à être "respectée". Et puis parfois, "c’est pas un salaud", il est tendre et attentif, parfois trop, sa sensibilité me débecte. Un mec, ça ne s’accroche pas. Un mec, ça vous prend et ça vous jette, ça s’en va. Ca rappelle pas tout de suite, ça vous fait languir. Un mec au final, ça ne satisfait pas sur tout les tableaux à la fois. Je sais pas ce que je veux, moi ?

C’est pas tant lui qui induit ça que moi. Je suis l’instrument de ma propre oppression. J’ai beau me prétendre libérée, je suis soumise à ce qu’ils ont appelé la Domination masculine, l’ordre des sexes. A l’aube du XXIe siècle, il n’est rien de plus paradoxal que la sexualité que l’on nous offre de vivre.

Je suis conditionnée à être prude et réservée, à me réserver au bon, celui qui aime, restera, s’occupera des enfants et me traitera comme son égale. A associer amour et plaisir charnel. A être la madone, sinon je serais la putain, le "bout de corps de femme", à l’image d’un objet de consommation, l’instrument de sa jouissance. Mais j’ai aussi été conditionnée à vouloir jouir envers et contre tout et à offrir le plaisir à celui qui partagerait ça avec moi. Prendre son pied au XXe, c’est pas juste un droit, c’est une exigence, ceux qui ne consomment pas sont des parias. J’ai le droit et le devoir de jouir, merci maman, mais dans un cadre, à un moment, d’une manière et avec le partenaire que l’on me prescrit. Je suis porteuse de ma propre norme, invitée à définir par moi-même se dont j’ai envie dans un monde où le moindre fait ou geste qui sort du cadre de référence est sujet à critique.

Libérée, la sexualité ? Tu parles. Tout juste hypercomplexifiée...