Parce que j’en ai marre, voilà !

9 octobre 2010 par Souvent

Marre de marre, envie de pousser un gros coup de gueule ! Par où commencer ? Peut-être par l’excellent ouvrage d’Irene Zeilinger, Non c’est non sur l’autodéfense féminine... Je l’ai lu en ligne tout cet été, petit bout par petit bout, éveillant ma conscience de féministe aiguë, qui avait toujours été là, en moi. Ce bouquin est réellement édifiant, et m’a permis de prendre conscience de tout un tas de choses que je soupçonnais plus ou moins clairement. Il m’a également permis de marcher tranquillement dans la rue, jour et nuit, sans (trop) d’appréhension, la tête haute, fière d’être une femme, que je porte jean de mec ou mini-jupe. Puis, plus ou moins par hasard je suis retombée sur ce site que j’avais déjà visité il y a longtemps, sans jamais parvenir à le retrouver. Et, pendant deux semaines, quand j’ai mis mon ordi en veille, je gardais toujours une page de gendertrouble ouverte sur une de mes lectures en cours. Lectures tout autant édifiantes ! À ceci près, que moins théoriques et plus proches d’un véritable vécu, intérêt différent mais tout aussi grand. Tous ces textes m’ont émue, révoltée souvent, fait monter une larme au coin de l’œil parfois, touchée toujours. Mais ça fait mal ! Zut alors, me revoilà ramenée à ma condition de femme, moi qui m’était toujours senti-e comme un être asexué-e. Mes gentils parents un peu soixante-huitards avaient bien pris soin de nous élever ma sœur et moi plus ou moins hors des codes de binarité qui régissent Hétéroland ! Hé oui ma mère m’a raconté que quand j’étais une petite larve gémissante elle m’achetait des pyjamas verts, noirs ou orange ! Si c’est pas la classe, subversive dès la naissance ! Pendant longtemps, je ne me suis pas vue comme désirable ou désireuse, mais curieusement ça m’allait très bien ! Les relations étaient plus simples. Mais ça a commencé à se gâter un peu plus tard quand au collège, j’ai compris que j’aurais pas de copain si je continuais à être agressive ou indifférente avec les mecs qui me parlaient/se foutaient de moi, et que je gagnerais au change à être douce et souriante et surtout bien rire aux blagues débiles/sexistes/sexuelles rayez la mention inutile. Alors c’est ce que j’ai fait ! Bon j’ai pas eu de copain pour autant mais déjà on se foutait moins de moi, pas mal hein ? Sauf qu’en fait j’étais en train de ruiner l’éducation un peu anti-sexiste de mes parents pour "fit in ze group" comme on apprend en anglais (d’ailleurs la pub actuelle de Gap "fit in" me révulse !). Bon maintenant ça s’arrange pour moi de ce côté-là, je suis en pleine déconstruction des genres, et je me sens bien mieux comme ça. Pour revenir à ça justement, j’ai bien conscience de l’hétéronormativité d’Hétéroland, j’ai bien conscience que c’est primordial et nécessaire pour moi-même d’opérer cette réflexion, mais bon dieu comme ça fait mal ! C’est peut-être parce que j’ai peu de personnes dans mon entourage avec qui partager ça, ou alors parce je me rends bien compte que ça relève de l’utopie d’espérer un monde où sexe, genre, orientation sexuelle/affective, binarité des genres, tout ça sera détruit et volera en éclats et chacun-e pourra se construire sur des bases saines et siennes. Ce serait tellement beau, je ne peux pas m’empêcher d’y penser, mais ça me paraît complètement surréaliste. Surtout quand je vois des amies qui ont peur de rentrer seuleS (c’est-à-dire plusieurs filles ensemble) après une fête, ou une autre amie qui se fait payer tout ce qu’elle veut par son mec, parce que quand même faut qu’il fasse profiter de sa thune, parce qu’une pote se demande pourquoi une fille au cheveux courts est toujours perçue comme lesbienne, parce que les gens lui répondent que c’est comme ça, parce que y’en a marre des mecs-relous-qui-t’abordent-dans-la-rue, parce que y’en a marre de me faire mater chelou le jour où je sors avec mes docs et un collant jaune fluo ! La liste est indéfinie et infinie ... Pas plus tard que cette après-midi, je regarde tranquillement l’avancée de mes ventes sur ebay, dont une chouette minijupe à carreaux style écossais. Là une meuf m’envoie un mail pour me dire que ça l’intéresse, donc je réponds, commence à lui énoncer mes conditions de vente, sauf que là elle m’envoie une vidéo où on voit deux pieds de femme assise à une table qui se caresse sexyemment (et j’emmerde google si ce mot n’existe pas alors que le mot emmerde existe !) et la meuf me fait : alors en fait il veut que je m’habille comme une écolière sexy pour une photo dans le genre de la vidéo. Bon moi je me dis, très bien, chacun ses petits fétichismes, je suis tout à fait respectueuse (voire adepte) de tous types de sexualité tant que cela se passe entre adultes consentants, mais je me demande quand même pourquoi elle m’explique ça, je lui ai rien demandé, moi je veux juste vendre ma jupe. ET LÀ ! De but en blanc, la "meuf" me demande où j’habite et mon numéro de téléphone ! Ahhh putain c’est pas vrai (Attention ! Je respecte les prostituées), si ça se trouve c’est un sale pervers frustré sexuel qui vient me faire chier, mais qu’il aille sur meetic ou chatroulette, merde, pas sur ebay quoi ! Bon je fais part de mes doutes et la fille s’offusque un peu, me dit qu’elle veut acheter la jupe et tout, donc je me dis COMME UNE PAUVRE CONNE : non mais tu t’es emportée trop vite, c’est toutes tes lectures de féministe qui te montent à la tête, ça va pas d’être parano comme ça ! Sauf qu’en fait, après quelques messages de plus, je n’ai évidemment pu qu’en conclure qu’il s’agissait bien d’un mec ! Ça m’a vraiment foutu les boules, je me suis dit des tas de choses tout à fait méprisables par rapport à ce type, puis ai décidé de laisser tomber et passer à autre chose (mais oui soyons indulgentes avec les hommes, et douces, et patientes, et tendons l’autre joue aussi tant qu’on y est !). Sauf que non, j’ai soudainement réalisé qu’il FALLAIT que je lui fasse savoir ma façon de penser ! Je lui ai donc envoyé un long mail d’abord plutôt pédagogique, sauf qu’au fil des mots, toute ma colère rentrée depuis si longtemps s’est peu à peu déversée sur les touches de mon clavier. J’ai fini par lui envoyer plusieurs mails insultants et méprisants et sur le coup, qu’est-ce que ça fait du bien ! (évidemment il n’a pas répondu, quel courage, quel virilité !). Mais après ma réflexion d’être humain (de femme formatée ?) a repris le dessus et là je me suis dit que vraiment j’y étais allée trop fort, que ce mec ne méritait pas que je perde mon temps avec lui, bref ce genre de choses... Ça m’a sérieusement miné le moral, et la colère était toujours là, la colère de savoir que peut-être lui est en train de se morfondre un peu (ou de se branler qui sait ?), alors que tous les autres hommes peuvent potentiellement adopter un comportement similaire, c’est-à-dire profondément machiste, ne serait-ce que dans l’intention, et que rien ou presque ne me permet d’espérer qu’un jour les choses vont finir par s’arranger (un peu).

Mon éveil à l’idée de non-binarité des genres a débuté plus tôt, plus précisément avec les questions que j’ai commencé à me poser vers mes 15 ans sur mon orientation sexuelle, pour finalement découvrir que j’étais bi. Je m’exprime au passé car bien que je pense l’être toujours, il me semble que quelque chose a changé. J’ai compris l’impossibilité quasi certaine pour moi de construire une relation avec un homme, à moins que celui-ci n’ait profondément entrepris de sortir de sa construction sociale masculine, ce qui est bien trop rare et/ou trompeur : un homme, si plein de bonne volonté soit-il, ne se fait jamais siffler et/ou traiter de salope parce qu’il est un peu trop comme ci ou pas assez comme ça. Ce simple constat résume tout. J’aime toujours les hommes, leur corps me rend folle, j’apprécie leur compagnie en tant que potes, mais si je choisis un jour de m’engager dans une relation, ça sera très certainement avec une femme (et/ou un-e trans pour les mêmes raisons).

Post-scriptum

Ça fait du bien d’écrire tout ça, réellement ; ça faisait un moment que j’y pensais, et j’espère que je pourrais avoir des retours, avis et/ou conseils sur ce texte !