Don Juan ou produit pas frais ?

29 juillet 2014 par Tchak

On parle souvent des standards sexuels asymétriques en notant, pour s’en indigner ou non, que les hommes qui ont beaucoup de partenaires sont des don Juan et les femmes qui font de même des salopes. Certes…

La fidélité asymétrique a une histoire, une histoire de possession de gosse, pour s’assurer qu’on ne donnera pas trois frites en trop au gamin d’un autre. Et une histoire d’inégalité devant la contrainte. Mais en lisant sur un blog les propos rapportés d’une bande de mufles, il m’est apparu qu’il n’était pas question que d’asymétrie et qu’autre chose encore se jouait là. En lisant que les femmes, c’est comme de la barbaque, tu n’en choisis pas de la pas fraîche qui a traîné partout, je me disais que, tiens, ben moi non plus je ne choisirais pas de manger un truc pas frais qui est passé par tous les doigts. Par exemple, l’idée de sucer une bite qui s’est engouffrée partout, est allée gratter le caca dans bien des fions et s’est trempée dans des chattes douteuses, ben sur le plan symbolique, comment dire… ça ne m’excite pas des masses.

Et sur le plan hygiénique, même si don Juan se nettoyait bien sous le prépuce, ce qui n’est pas un fait acquis, je n’aurais aucune raison de croire en la culture sexuelle d’un gars qui baise partout où il peut, en sa connaissance des populations qui connaissent les plus gros taux d’infection du virus du sida (aux dernières nouvelles, les femmes hétéros d’un certain âge, alors ça ne protège pas, de ne pas être gay) ou d’IST exotiques comme le papillomavirus (qui se transmet comme une grippe, le mieux restant de ne pas côtoyer les foules). Les précautions que prend un type qui trempe son biscuit partout où c’est chaud et humide ne suscitent pas ma confiance. Les précautions de n’importe quel inconnu, d’ailleurs.

Quant au plan sexuel, si don Juan est adepte des coups isolées pour ne pas faire baisser sa moyenne, il repassera avec moi, parce que j’ai remarqué que c’était avec mes plans cul réguliers que je m’éclatais le plus, pas sur les premières fois. Bon, la stat semble biaisée, parce que les premières fois qui donnent envie d’être des dernières, à la base c’est mort. Mais je confirme qu’une première fois avec un amant régulier, y compris un amant qui a une intense activité sexuelle et beaucoup de partenaires (on pourrait dire un spécialiste du plan cul), c’est souvent pas la meilleure. La meilleure se situe autour de dix, quand on a un peu exploré et qu’on commence à savoir ce que soi et l’autre on aime. À un coup hebdo, ce plan cul vous fait presque un trimestre, à renouveler éventuellement. Et puis, dernière raison pour laquelle don Juan ne me fait pas mouiller le slip, c’est que c’est moyennement flatteur d’être le n° 17 de l’année en cours et on n’est encore qu’en avril.

Bref, si vous les mecs les vrais les gros mufles vous n’aimez pas les produits qui ont traîné partout, figurez-vous que nous les meufs, ben… nous non plus. Et là je fais résonner quelque chose dans le cerveau qui vient fièrement de Mars : « Wait, en fait les meufs c’est des mecs comme nous, enfin, j’me comprends. » Bravo.

La raison pour laquelle le stéréotype sur les don Juan et les salopes tient encore, c’est l’androcentrisme, surprise. L’androcentrisme, c’est quand vous entendez à la télé « Alors quand vous rentrerez chez vous ce soir, demandez à votre femme » ou « Le vendredi on tombe la cravate ». Qui sont aussi, au choix, des hétérocentrismes ou des classocentrismes – oui, parce que tout le monde est un col blanc et va bosser en cravate. Écoutez bien la prochaine fois, et si vous n’êtes pas un mâle hétéro bourge vous allez réaliser que votre présence, quand bien même elle serait majoritaire, n’est que tolérée, pas prise en compte. Quand bien même, parce qu’entre les femelles, les pédés et les prols, on aurait de quoi se payer autre chose qu’un présidoche hétéro bourge (mais c’est pas d’être culturellement mino qui rend automatiquement assez malin pour démonter un système).

Il y a dans l’envie de choper un max ce qui n’est pas beaucoup chopé, une contradiction fondamentale entre ses désirs à soi et les désirs de l’autre mais, air connu, le masculin l’emporte sur le féminin et impose les siens. Et vu d’où on est, les gars, c’est-à-dire la majo culturelle, le pouvoir de dire ce qui le fait et ce qui craint, ce qui compte le plus, c’est de se comparer le tableau de chasse pour voir qui aura la plus grosse : don Juan. La contrepartie, c’est d’imposer sa représentation de l’autre qui baise trop, et l’autre est une femme : salope. Dont le sexe, quand bien même il serait resté quarante ans au couvent, sera toujours une abomination, surtout quand il y a des poils autour et qu’il n’est pas couronné d’une bite.

Le jour où don Juan aura compris que de collectionner les meufs ne lui apporte l’estime que de ses potes les plus teubés, on aura un peu avancé. En attendant, je ne vais pas faire la paysanne castillane du XVIIe siècle, je me sens plutôt des envies de statue du commandeur. Mais je reste comme il se doit une meuf gentille, alors je souhaite à tous les don John du monde de tomber sur le truc en or comme dans le happy end du film du même nom : une femme qui sait se faire plaisir au pieu. Parce qu’au rythme où ça va, entre les représentations porno et vos minables coups de queue, on sera bientôt peu nombreuses.