Le bain de Simon

25 juillet 2004 par  Simon

Simon est un garçon. Dans la vie, il est très occupé, a des "responsabilités", a souvent les sourcils froncés quand il est dans l’action. C’est plutôt un contrarié, Simon. Il est perfectionniste, fait les choses à fond, mais se donne rarement la possibilité de récolter les fruits qu’il a semé. Un impatient, ce Simon. Il a plein d’idées et d’envies aussi. Car il a beau savourer avec difficulté, c’est un passionné. Il parle vite, il s’excite, part à l’occasion dans des envolées lyriques, communique de l’énergie, aussi. Bref, Simon peut donner l’impression de vivre la vie à plein poumons, même s’il fait beaucoup d’informatique.

Mais ce soir, Simon ne va pas très bien. Ca fait quelques jours, déjà, qu’il nage dans le brouillard. Faute à une angoisse tenace, qui le saisit parfois, et le laisse las et dépité, toujours un peu plus bas. L’angoisse de Simon pourrait faire rire. Car l’angoisse de Simon, c’est justement d’être angoissé. Ou plutôt, de le rester. Pourtant, Simon n’est pas de ceux qui se laissent abattre volontiers. On lui connait même un caractère obstiné, et une forte volonté. Mais un jour, Simon a glissé. Et, épuisé, n’a pas réussi de suite à se relever. Ce fait pourtant anodin l’a terrifié. Car la volonté de contrôle qu’il s’était toujours imposée s’est alors effritée, et un barrage a cédé. Simon a alors été submergé par ce qui l’avait retenu sans ménagement bien trop longtemps. Des sentiments qu’il avait jugés contrariants ou inappropriés sur le moment, et quantité de requêtes d’un corps balloté entre café surdosé et sommeil minimisé.

Ce soir, donc, Simon a besoin de se rassurer. Et ne sait pas trop comment faire. Son cerveau, d’ordinaire si fidèle, semble avoir décidé de se joindre à la contestation du ventre, sans cesse remué depuis que tout a commencé. Simon a bien essayé de les gronder, mais rien n’y fait, ceux là ne veulent plus rien écouter. Simon est un peu désespéré. Se sentant vide et inutile, il ne lui reste plus qu’à trouver une activité futile, comme... se laver, par exemple. La configuration de la maison parentale dans laquelle il s’est réfugié lui suggère d’essayer le bain, dont il a lu ou entendu qu’il permettait de se décontracter.

Simon entreprend donc de remplir une baignoire d’eau tiède, à laquelle il ajoute une dose d’huile essentielle d’eucalyptus. Parce que cela sent bon, et parce que l’emballage indique que le produit aide à dégager les voies respiratoires. Celles de Simon semblent bien fonctionner, mais il se sent pressé à la gorge par la contrariété, et on ne perd rien à essayer. L’eau coule lentement, créant des volutes de fumée. Très vite, la pièce s’emplit d’une tiédeur anesthésiante. En témoigne la buée sur le miroir, rendant la vue trouble et incitant déjà Simon à se relâcher.

L’huile essentielle donne à l’eau une jolie couleur verte, et, en se diluant, produit une mousse crépitante et odorante. Simon goûte la température de sa main, et, satisfait, se débarrasse précipitamment de ses vêtements. La perspective du bain est devenue attirante, et c’est avec un frisson d’excitation que Simon s’y plonge progressivement. Une chaleur bienfaisante l’envahit, et ses membres commencent à se détendre. Les yeux mi-clos, Simon tente de savourer le relâchement musculaire, et de l’accompagner en apaisant ses pensées. Difficile exercice, cependant, que de se laisser aller !

C’est néamoins avec un plaisir certain, doublé d’une relative incrédulité que Simon observe son corps tout entier immergé. Puis il plonge sa tête sous l’eau, et redécouvre avec un amusement tranquille la douce sensation d’évasion procurée par l’immersion. L’écho des sons et le roulis de l’eau caressent son visage, pénètrent ses oreilles et commencent à apaiser ses pulsions. Simon essaie de pousser plus loin la relaxation et travaille sa respiration. Le sentiment de soulagement s’étend, et les dernières pesanteurs du ventre finissent noyées.

Vingt minutes sont passées, peut-être plus. Il est temps de sortir du bain, et Simon se meut sans précipitation. Mais ses premiers pas sur le sol le laissent tout étourdi, surpris de l’intensité qu’il vient de visiter. Sans complètement reprendre ses esprits, Simon s’essuie. Le doux frottis de la serviette sur son corps endormi continue à le bercer et nourrit ses tendres pensées. Lentement, sans discontinuité, les mains de Simon délaissent la serviette pour toucher son corps. Timidement, d’abord.

Désireux de ne pas rompre avec la sérénité de la baignade, Simon se laisse aller. Ses mains se baladent le long de son ventre, de ses jambes, de ses bras, de son dos, de ses joues et de son cou surtout. Progressivement, Simon se sent gagné par un délicieux sentiment de volupté. Spontanément, ses caresses se font alors plus appuyées. Titillent le bout de ses seins avant de les enserrer tout entier. Gagnent son fessier, commencent à le malaxer, puis atteignent son sexe, tranquillement excité. Simon se sent alors pris dans un doux tourbillon de sensualité. Son souffle s’intensifie, accompagnant les ondulations d’un corps, s’offrant tout entier à ce moment d’intimité privilégié.

Simon entrouve les yeux pour se regarder. A travers la buée, il se découvre une image qu’il n’a pas l’habitude de cotoyer. Des cheveux humides dessinent des courbes le long d’un cou dont les goutelettes n’ont pas fini de s’estomper. Un regard vague et une bouche entrouverte illustrent l’abandon à une passion. Intrigué par le personnage lascif et excitant qu’il observe, Simon porte ses doigts à sa bouche, et se regarde les lécher. Il se tourne ensuite vers sa poitrine, en caresse les courbes du regard, bienveillant, avant de l’enserrer de ses bras, en se dandinant de haut en bas. Les yeux clos de nouveau, sa langue rencontre son épaule, qu’il baise lentement, y laissant des sillons de bave jusqu’à se lécher gouluement.

Simon sent son corps vivre fort. Celui-ci frissone de plaisir, tremble d’excitation, acueille et retourne ses baisers, semble réconcilié avec le Simon contrarié. La douloureuse division entre le corps et l’esprit que Simon avait rencontré ces jours derniers s’est volatilisée. Simon est heureux, soulagé de s’être resynchronisé avec un compagnon de route qu’il avait eu tendance à oublier, attiré par les perspectives d’une cohabitation pacifiée, excité par l’érotisme dégagé, apaisé par le sentiment d’une cohérence retrouvée. Une voix se fait entendre derrière la cloison, demandant à Simon de libérer la salle de bain. C’est d’une voix embuée mais assurée que Simon répond, souriant secrètement à la pensée de ce qu’il vient de vivre, et de ce qui lui reste à expérimenter.

mai 2003, un simon