Quand j’avais neuf ans, pour la première fois, je caressai mon clitoris assez longtemps pour avoir un orgasme. Je connaisssais déjà assez bien mon corps, il n’y avait pas beaucoup de tabous à la maison et je m’étais livrée à quelques explorations de mon sexe, sans oublier que nos jeux de chatouilles avec mon frère avaient révélé la sensibilité particulière de cet endroit. Je savais que pour faire un enfant, un homme et une femme "faisaient l’amour" et que c’était agréable. Mais cette découverte du plaisir solitaire fut pour moi un choc et une illumination.
Je crus être la première à découvrir cette merveille : si les autres l’avaient connue, il m’était inconcevable que personne n’en parle. Associant sexe et procréation, j’eus peur de tomber enceinte - et me rassurai : après tout, je n’avais pas encore mes règles (mes peurs à ce sujet s’apaisèrent lorsque je posai de façon détournée quelques questions de biologie à ma soeur). Par contre, cela m’amena à m’interroger sur l’utilité des hommes : certainement, si je pouvais seule me procurer autant de joie, le mariage dont on me parlait n’avait plus aucun interêt pour justifier ses inconvénients qui me sautaient aux yeux chez toutes les épouses que je rencontrais. Quand aux enfants, je n’en voulais pas - ou alors adoptés, la souffrance de l’accouchement ne se justifiant pas - et je ne comprenais donc pas que certaines s’encombrent d’un mari si elles pouvaient les faire seules.
Ca, ce sont mes mots d’aujourd’hui, mais les pensées sont d’époque. Ensuite, lorsque j’eus dix ans, je suis allée à l’internat où j’ai découvert en même temps le mot "masturbation" (et sa conséquence logique : le concept, donc la pratique, existaient avant moi) et le tabou s’y rattachant (ceci expliquant que je n’en aie pas entendu parler avant, mais me semblant déjà aberrant). J’appris donc à me caresser très silencieusement, parce que la révélation de mon auto-sexualité aurait provoqué une mise à l’écart absolue de la part de mes camarades, mais n’envisageai jamais l’abandon de la pratique : à l’époque, et encore aujourd’hui, c’est mon somnifère préféré, mon réveil préféré, et le moyen le plus sûr, pratique, rapide d’avoir du plaisir.
Alors oui, j’aime faire du sexe, avec des garçons et/ou des filles, à deux ou plus, génitalement ou avec toute partie de mon corps qui me chante, doucement ou frénétiquement, mais jamais je ne me lasse de mon propre corps, et je crois que ma sexualité ne serait pas aussi satisfaisante si, en premier lieu, je n’avais pas appris à prendre du plaisir avec moi-même. Depuis quelques temps, je tente de casser ce tabou, de parler de masturbation avec d’autres filles (jusqu’à présent, la seule avec laquelle j’en avais vraiment parlé c’est ma soeur). C’est dur d’en parler, et je réalise que pour la plupart, c’est quelque chose de honteux, gênant, qu’elles vivent pas ou peu, et souvent mal - ça m’effraie. Tous mes partenaires masculins manifestent de la surprise lorsque nous faisons du sexe pour la première fois, et je ne comprenais pas : je n’affectionne pas particulièrement des positions exotiques, la sexualité me semblait simple. Jusqu’à ce que l’un de mes amoureureuses me fasse réaliser que c’est mon aisance, le peu de complexes que j’ai par rapport à ma sexualité qui est rare. Et pourtant je me trouve encore pleine de blocages... Je suis effrayée en pensant à ce qu’avaient pu être leurs expériences avec d’autres filles, effrayée pour ces filles qui ne connaissent pas leur corps : comment un partenaire pourrait-il leur procurer du plaisir si elles ne peuvent leur montrer ? Il n’y a pas si longtemps, une femme n’était pas censée prendre du plaisir lors de l’"acte sexuel", maintenant la libération sexuelle en a fait une quasi-obligation, mais sans décomplexer assez le sexe pour que la sexualité féminine soit épanouissante - autre façon de reproduire la domination sexuelle de l’homme sur la femme... Arg !
La masturbation, c’est aussi un moyen de vivre ses relations de façon plus épanouissante : chacunE s’autonomise pour ce qui est de son plaisir, ça permet de ne pas être dépendantE de son/sa/ses partenaire(s) pour sa satisfaction, mais aussi d’être libéréE du désir de l’autre : si elle/il a envie et moi pas, il/elle peut très bien se satisfaire seulE - je ne dois pas m’en sentir responsable, si elle/il est frustréE. Et puis faire du sexe avec quelqu’unE, ce n’est pas forcément pratiquer la pénétration, et j’aime bien branler mes partenaires, qu’ils/elles me caressent, me titiller le clitoris devant elleux, les voir se palucher ou s’introduire des choses dans des orifices...
Mais bon, la théorie c’est bien, maintenant la pratique m’appelle. Je vous souhaite bien du plaisir !