Masturbation intellectuelle

13 mars 2006 par  nicolene

Une critique compulsive de certains textes de la brochure self frisson...

Je me glisse dans les draps, et cale mon coussin entre mes jambes. À quoi vais-je penser aujourd’hui ?

Ça y est le film démarre : « j’ai 12 ans, et je suis une jeune fille qui se masturbe honteusement dans sa chambre. Non, je suis plutôt chez ma grand-mère, et je me frotte sur un coussin. Je n’ai pas entendu que mon oncle est rentré dans la pièce. Il s’approche de moi. Il me dit que c’est mal ce que je fais, que c’est très mal. Que maintenant, c’est notre secret à nous deux. Il me dit que c’est bon, il me dit de continuer, que si je ne continue pas, il le dira à mes parents. Je continue, morte de peur. Il me regarde, assis sur le lit. Il me caresse les fesses, c’est bon. À la peur cède le plaisir de l’excitation, de l’interdit. Il semble très excité lui aussi, il fait glisser ses doigts dans mon vagin. Petite salope, tu aimes ça, hein. Le lendemain soir, il vient me dire bonsoir. Je deviens lui, je me fais mielleux, je dis à cette petite nièce si sexuelle de ne pas avoir honte avec moi, que c’est normal d’aimer ça, que c’est notre secret, que je ne lui ferai pas mal, jamais, que je l’aime tellement. Elle recommence. Elle se frotte timidement, je bande comme un fou. je ne vais pas la sauter, ça pourrait se voir, si je la dépucelle. Je la caresse, mes doigts tremblent sur son jeune cul. Je vois qu’elle mouille. Je m’étends contre elle, je sors juste ma bite de mon pantalon, et le contact de son cul qui s’accélère me fait éjaculer sur son corps, elle mords le coussin. » Je jouis, je m’envole, je tremble de spasmes comme ça ne m’arrive pas avec quelqu’un-e d’autre. Seule je sens mon sang circuler dans toutes mes veines, j’ai des crampes dans les pieds. Je remonte mon coussin et repose, le coeur qui tambourine dans ma poitrine, et qui s’apaise, comme réparé. Je somnole un moment, c’est comme une sieste. Je suis bien. Une fois encore mon oncle m’a violée, et l’oncle qui est en moi a violé cette petite salope qui le cherche bien.

Et je ricane de cette brochure self frisson, de ces textes de garçons, où personne ne parle de ça, de ça qui me hante et hante certainement tous ces mecs que je connais. Belle brochure cependant, fortement masculine, qui a ça de bien au moins de montrer que la masturbation peut ne pas se résumer à un acte génital sur fantasme de dominance sexuelle.

On croirait presque une brochure de promotion « regardez comme je me branle bien, je suis un mec super déconstruit depuis que je me suis pris des claques par des féministes ! » À vrai dire j’imagine la tête des « gender troublés » qui lisent le début de ce texte. Oh, mon dieu ! Ca fait tâche dans cet hymne à l’indépendance du corps et de la déconstruction ! Comme par hasard, une forte majorité de mecs pour la brochure qui parle d’un rapport positif à son corps de façon autonome, où toute question de violence est occulté, ou théorisé. Personne qui parle de ce à quoi il pensait ou il pense en se branlant, des branlettes collectives entre mecs, des films porno, des fantasmes homophobes, des fantasmes d’humiliation des femmes, de son rapport à sa bite arme, aux agressions qu’ils ont vécues. Moi ça me saute à la gueule qu’encore une fois les mecs ne parlent de leur corps que dans un rapport de maîtrise, oui, je fais ce que je veux de mon corps, je suis autonome, je suis en puissance. Ne parlent de choses concrètes que positives. Ça m’insulte, ça m’insulte en bloc, de voir que ces mecs parlent de leur sexualité de façon positive, flatteuse.

À quand des mecs qui parlent publiquement de ce qu’ils ont vécu, subi, fait subir, dans leurs fantasmes ou dans leurs relations, dans leur branlette ? À quand des mecs qui disent des trucs dévalorisants sur leur sexualité ?

Mais heureusement, la nouvelle brochure est à majorité féminine... Ah oui, c’est sur les relations affectives/ sexuelles. Comme c’est original ! Les dominé-e-s ont je pense bien plus conscience qu’illes sont des êtres relationnels, vu qu’illes sont sous le joug. Les dominant-e-s en attendant, se pensent comme autonomes, dissertent sur leur plaisir, en évitant bien de parler de ce qui fait mal... Ah oui, mais ça fait mal aux autres, alors bon.