Voilà bientôt trente ans que je vis et j’sais pas trop où j’en suis, mais au départ je me trouvais bien mal dans mon environnement social... Alors mon sexe c’était mon meilleur compagnon et un monde imaginaire (que j’croyais) où je pouvais me réfugier...
Seulement il s’est trouvé que ce rapport à moi-même n’est pas resté secret et s’est codifié : j’étais un garçon et donc mon sexe était pour les filles.
Moi naïf, j’ai plongé à corps perdu dans ces valeurs et j’ai tenté d’y coller ma démarche chaloupée et mon prénom de fille pour "être comme eux"... j’ai consommé de la pornographie et j’essayais de comprendre les mécanismes de la "drague"...
Enfin bref c’était mon avenir émancipateur qui me ferait m’évader de ce carcan familial qui m’étouffait et où je n’arrivais pas à être ce qu’on attendait de moi... Et plus je souffrais et plus je me retranchais dans la masturbation avide d’un futur radieux ou je serais heureux !
Mais comme ça n’arrivait pas et comme les liens familiaux se resserraient toujours plus autour de ma gorge (et que j’étais trop lâche pour me suicider, parce que je savais déjà que j’étais beau et que j’allais avoir du succès auprès des filles...)
J’ai utilisé le sexe (celui de ma pauvre petite soeur plutôt) pour leur dire merde à tous... et un matin où elle me faisait des chatouilles pour me réveiller j’y ai mis mon doigt, ça a duré une seconde et elle a pleuré, moi je me suis senti dégueux et j’arrivais pas à la consoler alors elle en a parlé et j’me suis fait taper dessus et j’ai foutu la merde et j’m’en veux encore.
Et elle m’a pardonné et pourtant ce serait plus facile pour moi qu’elle m’en veuille toujours et qu’elle ne me parle plus !
Ça c’était mon premier rapport avec le sexe d’autrui hormis celui de ma mère mais je ne m’en souviens pas et ça me dégoûte...
Ensuite j’ai eu des relations avec des filles et quand je sentais que la réalité me pesait trop et que j’angoissait en n’arrivant pas à dormir je me masturbais ou s’il y avait quelqu’une à côté de moi je la caressais dans son sommeil... Souvent elle se réveillait et on faisait du sexe ou alors elle grognait et je restais tout seul...
C’était vicieux et j’étais obsédé...
Je le suis encore mais j’essaie d’arrêter d’être vicieux.
Ensuite lorsque j’ai fui mon premier vrai rapport de couple sérieux, j’ai essayé avec des garçons pour voir si je trouvais cette liberté que je cherchais sans me sentir "comme mon père" : mais j’étais moins à l’aise et je faisais plaisir sans vraiment en avoir. Et puis ça m’a fait me dire que je n’aimais pas ce mimétisme du couple que je retrouvais partout et qui m’étouffait... J’aimais la liberté sans l’avoir jamais vraiment connue et en même temps quand j’aimais j’étais très jaloux (je le suis d’ailleurs toujours puisque je le ressens mais je me l’interdis), et je souffrais d’un romantisme où je regrettais une sorte de jardin d’éden primitif...
Et puis j’étais trop timide pour rencontrer des gens et collectionner les aventures. Je savais que j’étais jolie mais je ne le reconnaissait pas dans la glace et je m’en voulais pour plein de trucs que je n’assumais pas...
Alors j’ai continué de me masturber pour combler ce vide, et ça me manquait encore plus de ne pas partager ça avec d’autres et cette solitude ne me faisait penser qu’au sexe quand je rencontrais des gens...
Maintenant encore j’ai des images fugaces qui me traversent l’esprit où je me surprends à imaginer untel-le au lit...
Je souffrais de l’amour et je souffrais de son manque.
Mais ce n’est qu’il y a quelques années qu’en lisant des textes engagés et en discutant avec d’autres que j’ai compris tout ça par rétroaction et que j’ai arrêté de le subir à l’aveuglette : maintenant je le subis encore plus mais je le vois et donc ça influence mon comportement positivement puisque je ne me laisse plus aller bêtement à mes pulsions. Ce changement à surtout pris effet lors de mes brefs écarts auprès des féministes ou de leurs sympatisants... Où clairement on m’a mis le nez dans ma merde et où je n’ai plus pu fuir... Alors bien sûr on m’a collé une étiquette de violeur potentiel dont je ne me déferai pas de sitôt, mais la gène et la culpabilité encourue m’a permis d’y voir plus clair sur mes manières d’agir et mes motivations...
Mais ça ne résoud en rien le problème et j’éprouve plus que jamais des besoins d’affection et de tendresse, auxquels la masturbation n’arrange rien, bien sûr je ne pense plus qu’au sexe seulement et même je me surprends à ne pas en vouloir, à juste partager un moment d’intimité en "tout bien, tout honneur" et à échanger de l’affection avec des gent-e-s envers qui je n’éprouve pas d’attirance sexuelle... juste par bonheur partagé... et même avoir des relations sexuelles épanouissantes avec des gent-e-s par "amitié" et c’est relaxant et émancipateur voire épanouissant...
Le problème subsiste pourtant dès que j’éprouve des sentiments "d’amour" envers quelqu’un-e alors tout s’emballe et la jalousie pointe son nez avec les envies de dominations et je suis même depuis incapable de l’aborder autrement qu’en lui disant bêtement que je le ou la trouve joli-e... et puis c’est le malaise et les explications comme quoi je suis incapable de contrôler mes sentiments issus de mon éducation masculino-centrée et que je suis mal-à-l’aise avec les rapports de couple normés, et qu’en fin de compte je ne suis qu’un obsédé élevé à la pornographie... Autant dire que ça n’aboutit à rien et que je passe pour un fou...
Rien que le fait de "draguer", ça me repousse et que je doive, en tant que garçon, faire le premier pas, c’est trop m’en demander...
Je me rends compte comme spontanément mon attitude change lorsque une fille entre dans la pièce où je me trouve, et l’attitude des autres garçons me saute aux yeux et me dégoûte moi-même...
Bref c’est un calvaire, qui fait que je préfère m’abstenir, et du coup j’éprouve un manque de relations intimes et une grande solitude...
En même temps ce manque fait que je suis beaucoup plus attentif à mon entourrage et aux situations de détresses...
Et aussi que je prend beaucoup plus de plaisir dans des échanges simples et anodins comme se tenir par la main ou échanger quelques pas de danse...
Et que je fais beaucoup moins de distinction genrée dans mes comportements et donc que je suis moins ségrégationniste envers l’affection homme/femme... voire même que je suis plus à l’aise avec les hommes, du moins jusqu’à un certain point...
Finalement je ne regrette pas ces prises de tête et ces angoisses, même si je me passe volontiers du poids que font peser tous mes écarts sur ma conscience...
Et j’arrive à m’épanouir dans mes traits de caractère sans penser s’illes sont mâles ou femelles, juste en les vivant pleinement et en tirant tout le plaisir s’illes sont partagés...