Une relation affective forte entre deux individus met en relation deux désirs, parfois de la même intensité, parfois plus ou moins décalés. Il arrive que ces décalages aient le mauvais goût de se répéter, à intervalles réguliers. Dans ce cas, il arrive souvent que les deux êtres affectueux s’en trouvent encombrés tour à tour, comme dans un mouvement de balancier.
Le "balancier affectif", c’est donc ce phénomène étrange qui fait que quand l’un des "affectueux" a tendance à se sentir d’aplomb dans la relation, l’autre a tendance à vaciller. L’un ressent de la stabilité, pendant que l’autre a besoin d’être rassuré. L’un tient ses sentiments pour acquis, pendant que l’autre doit les entendre répétés. L’un se sent fort et autonome, pendant que l’autre se sent plutôt faible et en insécurité.
Ce "balancier" peut causer bien des désagréments. L’affectueuse plongée dans le doute va vivre un sale moment, le vivant souvent comme une remise en cause douloureuse de la relation, noircissant le présent, par contraste avec les intenses moments précédents. L’affectueuse assurée, quant à elle, ne va pas toujours réaliser la souffrance de sa bien-aimée, aura peut-être du mal à comprendre un ressenti immédiat si différent, pourra se sentir frustrée dans son plaisir indépendant, et même voir dans la peur de l’autre une volonté d’accaparement.
Le "balancier" fait vivre des moments intenses - dans le bon comme dans le mauvais sens. Le contraste entre ces bons et mauvais temps est si grand, qu’il est parfois difficile pour l’un ou l’autre des affectueux de se replacer dans la peau tantôt douloureuse tantôt heureuse de son ami, de comprendre ce qu’il dit et d’y répondre en conséquence. Le balancier peut être facteur de souffrance des deux côtés, car il rend le language de l’un peu audible à l’autre.
Le "balancier" peut cependant s’expliquer. Les affectueuses n’aiment pas douter des sentiments de leur amante ; en quête de réciprocité, elles multiplient les démonstrations d’affectivité. Inversement, cette visibilité assure l’autre de la sincérité des sentiments lui étant destinée. Cette certitude l’autorise à plus de liberté, et à relativiser le besoin d’exprimer son attachement. Ce qui nourrit le doute de la personne contrariée. Etc.
Mais le "balancier" n’est certainement pas une fatalité. Prendre conscience, d’abord, de la relation entre les ressentis de carence/souffrance, et de bouffée de confiance/plaisir en conséquence. De la différence des états de compréhension dans lesquels ceux-ci plongent les deux affectueux. Parler, ensuite, chacun des deux s’efforçant de considérer au mieux les attentes de l’autre à cet instant. Être indulgent. Patient. Attentionné. Et briser la peur, peur de ne pas être aimé d’un côté, de l’autre, peur de se faire enfermer.
Ainsi le "balancier" peut-il s’arrêter. Se stabiliser. Les peurs levées des deux côtés, les affectueuses peuvent construire plus sereinement une relation de forte intensité en même temps que de liberté. S’aimer ensemble, s’aimer isolément. Aimer l’autre dans sa proximité, mais aussi dans son autonomie. Et sentir la confiance, à deux cette fois, pour faire tout et n’importe quoi !
18/03/03, 5.30pm - un darkveggy en pleine tentative de réajustement