"Non à l’amour !"
"A bas les relations de couple !"
"Vive les relations libres et multiples selon nos envies !"
"HAAAA ! illes sont encore en train de s’embrasser !"
J’entends ces phrases plusieurs fois par semaine. Même si elles s’adressent rarement à moi ou à ma/mes relation(s) particulière(s) - préférant les tenir cachées ou peu les afficher en public -, je m’énerve, je m’énerve...
Dire de manière systématique "A bas l’amouuur !", dès que l’on voit un homme et une femme se donner de l’affection, parce qu’illes nous renvoient à une hétéronorme (alors que nous-mêmes avons exclusivement ou majoritairement des relations hétéros), enferme les personnes dans cette relation plutôt que de les ouvrir sur d’autres. On juge trop souvent au premier regard et on aime exprimer l’idée que l’amour c’est nul, alors qu’on a envie de se faire prendre dans les bras, de partager de l’affectivité/sensualité/sexualité avec plein d’hommes et de femmes.
Puis surtout, je pense que c’est ces attitudes/comportements qui enferment les relations affectives dans le privé et séparent le privé du politique, là où il doit le plus s’introduire.
Je comprends (et soutiens) les femmes et plus particulièrement les lesbiennes qui se sentent oppressées par cette vision hétéronormée, symbole de la domination masculine et d’une discrimination à l’encontre des lesbiennes. C’est parce que la vision d’un couple hétéro amène rapidement l’idée que la femme n’a sûrement pas envie d’autres relations affectives et parce qu’elle est alors souvent identifiée/associée à "son" homme, que j’évite d’afficher mes relations affectives. Bien entendu, on se fait moins ce genre de réflexions sur les hommes.
Parlons maintenant de cette fameuse sphère privée des relations hétéros, se voulant libres et multiples.
Libres, pour qui ?
Multiples, pour qui ?
J’ai toujours fui les relations fusionnelles, sentant qu’elles pouvaient m’enfermer dans une cage, ainsi que trouvé normal d’avoir de multiples désirs pour des hommes et des femmes.
Cependant, arriver déjà à avoir une relation où je me sens bien, pas emprisonnée, pas trop genrée, où je vis une sexualité en confiance, sans avoir peur d’être dominée ou de vivre des moments comme violents, est rare. C’est pas exceptionnel parce que tous les hommes qui m’attirent sont des gros machos ne se posant aucune question sur leurs sexualité, mais parce qu’ils sont des hommes. Plus explicitement, c’est parce qu’ils ont des conduites de dominants, comme je peux tomber dans des comportements de dominée. Sauf que dans les deux cas, c’est moi qui souffre !
Ainsi, si l’homme avec qui j’ai avant tout une relation privilégiée a eu/a plusieurs relations sexuelles, alors que moi, je ne concrétise que rarement mes envies sexuelles, ce n’est pas parce que je suis plus timide que lui, mais parce que la peur de se faire dominer pendant le rapport sexuel ne plane pas sur lui ! C’est parce que j’ai voulu m’investir dans cette relation et que je suis revenue sur ce que j’ai pu vivre comme violent ou dominant que maintenant je me sens en confiance avec cette personne.
Mais je n’ai nulle envie de risquer de revivre, pour une nuit, un moment comme au début de notre relation sexuelle et je n’ai pas l’énergie de m’investir autant dans une autre relation, afin de ne plus me sentir dominée.
Alors, mise à part cette relation où se mêle l’affectivité à la sexualité, je me résigne vite à ne vivre que de l’affectivité avec d’autres hommes, sentant que sinon, il faudrait faire évoluer la relation et que si toi tu ne le fais pas, l’autre n’y pensera pas.
On n’est pas égaux entre les hommes et les femmes face à cette idée de relations affectives libres et multiples, en tout cas dans les relations hétéros.
(Mars 2004)