Un jour un homme entre dans un bar et voit un femme sexy qui l’attire. Il s’approche d’elle et lui dit : « Hé, chérie, je t’aime ! Allons folâtrer tous les deux ! » La femme répond : « Désolée je ne peux pas, j’ai mon cycle menstruel. » Alors l’homme lui dit : « Ne t’inquiète pas, je suis à moto, je peux te suivre. »
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Le mot « menstruation » en lui-même suscite confusion, rires immatures ou au moins quelque gêne. Le thème apparaît dans des blagues stupides et on s’y réfère dans de nombreuses situations depuis la prime enfance ; c’est un sujet de discussion qui (avec les poils et l’épilation des poils) est réservé aux discussions féminines intimes. Mais sommes-nous capables d’en parler de façon normale, comme si c’était (et c’est) une partie de la vie quotidienne ? La réponse est non.
Pouvez-vous imaginer commencer une conférence ou un discours avec la phrase suivante : « Excusez-moi si je suis un peu inconstante, je viens d’avoir mes règles ce matin. » Ou raconter à vos collègues que vous êtes assez nerveuse à cause de votre SPM (syndrome prémenstruel). De la même façon, si vous êtes en rade de serviettes ou de tampons, oseriez-vous en demander en vous adressant à toute la compagnie ou au contraire vous adresseriez-vous aux femmes du groupe, l’une après l’autre, chuchotant discrètement à leur oreille ? Si vos réponses à toutes ces questions sont oui-oui-non, dans cet ordre, vous êtes une femme à l’aise, confiante en elle, ou vous avez la chance de vivre dans un environnement exceptionnellement émancipé - pour la plupart d’entre nous, ce n’est pas le cas.
Le problème provient d’une complexité de facteurs - premièrement les menstruations sont en connexion physique avec deux zones tabou : le sang et les organes génitaux. Le sang est habituellement associé à quelque chose de malsain - comme c’est un fluide renfermé dans les veines, les artères et les vaisseaux capillaires, le voir sourdre à l’air libre est un signe de maladie ou de blessure. Néanmoins, alors que vous pouvez facilement annoncer que votre nez a saigné, il est quelque peu inapproprié de parler de vos menstruations. Les organes génitaux sont un sujet encore plus délicat, qu’on ne peut proprement nommer - dans de nombreux langages il existe plein de synonymes pour les organes génitaux, mais ils se divisent en trois catégories : termes médicaux, vocabulaire enfantin ou grossièretés (la catégorie la plus riche).
L’autre facteur derrière l’impossibilité sociale de faire avec les menstruations se trouve dans les traditions. La fonction biologique de base des règles est le nettoyage, mais le plus connu de ses rôles est celui d’ « horloge à fertilité » (et comment l’éviter) du corps féminin. Dans les sociétés traditionnelles une femme qui a ses règles est tabou - elle ne doit pas être touchée, on lui interdit certains travaux ménagers, ce qui s’explique par deux raisons en apparente contradiction - son caractère « impur » (donc elle devrait éviter de préparer la nourriture, de laver le linge, etc.), et en même temps « sacré » (voir l’anthropologue Mary Douglas). Cette deuxième valeur est évidemment en lien avec le mystère de la fertilité, et contribue à l’image de la femme « mystique », « irrationnelle », « impossible », et différente, inhumaine, oscillant en permanence entre la déesse et la bête.
Cette image de la femme vient de très loin dans l’histoire de la civilisation humaine, quand la médecine connaissait encore peu de choses sur la structure et le fonctionnement du corps humain. Néanmoins aujourd’hui, quand ces mécanismes (organes, puberté, fertilité, etc.) sont plus ou moins bien décrits, les menstruations restent encore dans l’obscurité d’un recoin de la vie sociale, où la tradition et les superstitions prévalent toujours. Ce que nous pouvons malgré tout faire est d’appliquer une thérapie de choc : mentionnez seulement vos menstruations dans la première occasion qui vous vient à l’idée - ce n’est pas dégoûtant, alors arrêtez de murmurer dans la boutique où vous achetez vos tampons - ce n’est pas quelque chose dont vous puissiez avoir honte, alors ne vous sentez plus frustrée de ne pas avoir partagé avec vos amiEs que vous passiez par une période difficile - comme vous vous seriez plainte d’avoir une migraine. Illes devront s’y faire.
