" Rebelle féministe.
Je prends du poil de la bête. Décidément ces espaces non-mixtes m’apportent beaucoup. Ils me permettent et me donnent envie de me mettre dans une posture de confrontation. Ils me permettent d’une part de réaliser certaines choses, de faire des liens, et d’autre part de réaliser que la seule manière de faire évoluer les choses est d’en parler. En cette matière, les sous-entendus ne marchent pas, ou peu. La confiance dans l’initiative et la déconstruction de l’autre non plus. Non pas que les choses n’ont pas évolué entre nous ni que tu sois un gros salaud, loin de là. Mais tu es un garçon et je suis de plus en plus convaincue de l’existence d’un antagonisme et de la nécessité d’une lutte davantage affirmée, que ce soit dans des cadres publics ou privés. Je veux te rentrer dedans. Je ne veux plus ou pas te ménager, me ménager ou nous ménager. Je cherche l’intransigeance. Je pousse à la confrontation.
Pourquoi maintenant ? Ce n’est pas la première fois, ni le premier essai. Ni la première étape. Cette posture s’inscrit dans un processus continu, enclenché depuis le départ. Mais elle franchit un degré, certainement. Je ne veux plus prendre des pincettes. Recommencer les mêmes erreurs. Retomber dans les mêmes situations. D’autres contextes ont apporté d’autres avancées, c’est sûr. Mais j’ai changé d’époque.
(...)
Je pars d’un préalable qui me paraît clair, mais que je vais tout de même rappeler : le fait de parler par cet angle de vue de notre relation ne remet absolument pas en cause le reste. Ce que j’ai pu ou que je peux dire sur notre relation. Et si j’arrive aujourd’hui à exprimer ces choses c’est parce que j’espère qu’entre nous il existe suffisamment de liberté de parole pour se dire réellement les choses. Le fait d’écrire cette lettre pour moi ne change pas ce que j’ai pu ressentir par ailleurs. C’est sûr qu’elle va peut-être par contre t’apporter des éléments nouveaux à toi.
Tout n’est pas noir dans le tableau, loin de là. D’ailleurs c’est pas pour rien que je suis attachée à toi. Mais ça n’est pas de ça que je veux parler tout de suite : ce qui m’intéresse ici, c’est ce qui ne va pas. Et il y en a, des choses qui ne vont pas. Pour moi en tout cas. Quant à toi je ne sais toujours pas : j’ai l’impression que nous n’avons que rarement abordé cette question, non pourtant sans avoir essayé.
Je ne sais par quoi avancer. En fait ces derniers jours je reviens particulièrement sur ce qui s’est passé lorsque nous étions en vacances, chez toi. Ce que tu peux peut être considérer comme un vieux truc sur lequel il serait vain de revenir constitue pour moi une question essentielle, et non réglée. Essentielle dès le départ car elle m’imposait de réfléchir sur la réaction violente que j’ai eu le soir du loup-garou. Réaction qui m’a surprise, désorientée et interrogée. Cette réaction était loin d’être anodine, en tout cas pour moi. Essentielle aussi car suite à cette réaction j’ai adopté très radicalement une altitude de critique personnelle et d’excuse envers toi. Bref, je ne maîtrisai pas les évènements, et dans un sens comme dans l’autre j’ai agi de manière très affirmée et orientée.
Je dois, je devais trouver les raisons et les explications. Bien sûr, il y a ce contexte de voyage, de stress, de pressions et d’instabilité qui a joué, à ce moment-là comme à d’autres. Mais il y a autre chose. Quelque chose de plus profond.
J’ai encore de la difficulté à saisir pleinement cette chose. Mais elle est selon moi partie intégrante de nos rapports intimes. Je comprend de plus en plus nettement le rôle de la femme aigrie et violente qui se discrédite entièrement en public alors qu’elle se trouve dans une position intenable par rapport à son compagnon qui la domine en privée. Je ne dis pas que c’est notre situation. Mais je pense que ce soir là des questions personnelles ont bavé dans un contexte public, me donnant un rôle d’incohérence et un air désagréable. Un contexte qui m’a été très difficile, voir intenable par rapport à tes amis. Contexte que tu as encore accentué par ta lourdeur alcoolique de mec qui comprend rien. Contexte qui m’a amené à faire des excuses car effectivement mon comportement tel qu’il est apparu cette soirée là paraissait irrationnel et désagréable.
Je m’explique. Enfin j’essaye. Du début, ou plutôt d’un début : la veille.
Cette soirée-là, sur laquelle on n’est jamais revenus, j’espère que tu y as repensé de ton côté. J’espère, et j’en doute en même temps. Avec le recul, je caractérise en plein connaissance de cause ce qui s’est passé comme une altitude et un comportement grave de ta part. Pas facile d’utiliser les bons termes. Je ne les connais pas. Tu étais complètement soul. Bourré. Tu avais certainement en partie perdu ta capacité d’attention et de mesure de tes mouvements et de tes actes. À vrai dire, moi aussi j’étais bourré, et beaucoup. Moi aussi j’avais en partie perdu mes capacités de raisonnement et de maîtrise de moi-même.
Tu avais une réelle frénésie de « faire l’amour » avec moi. Pour être plus exacte, de me pénétrer. Dans mon souvenir, je me revois comme un objet, une espèce de truc que tu secouais dans tous les sens pour arriver à tes fins. Je me revois me détacher de la situation et me dire que quand même tu ne prêtais aucune attention à moi. Je me revois aussi à plusieurs reprises te dire que tu étais complètement en train de m’écraser, de me secouer, de me pousser, de m’aplatir et de m’étouffer. Je me revois me dire que j’aimerais bien que « ça finisse vite ». Et je revois ta tête complètement essoufflée de coureur qui a du mal à arriver au bout de sa course et qui ne s’occupe de rien d’autre au monde que de sa queue. Et je peux te dire que c’est pas l’image la plus gratifiante que je garde de toi.
Je ne veux plus jamais me dire que j’ai envie que « ça finisse vite ». Je n’ai pris aucun, aucun plaisir ce soir-là. Ce soir-là, j’ai été rabaissé dans mon rôle de femme-trou. J’ai subi un rapport sexuel. Je n’ai pas suffisamment protesté à une situation qui m’agressait, tant dans mon intégrité physique que morale. Je me suis sentie dégradée et sans pouvoir sur mon corps. Un vieil objet.
Il s’est trouvé que tu avais tellement bu, que tu étais tellement bourré et plus maître de toi-même que tu t’es étalé avant de « finir le travail ». Et ça m’a soulagée. Je pense que j’en étais arrivée à un tel point que j’aurais peut-être été capable sinon de t’éjecter. Mais là est encore une autre question. Après ça, tu es resté étalé à geindre et à exiger de moi que j’aille chercher de l’eau car monsieur n’en pouvait plus, tout ce travail. Je crois que j’aurais été capable de te laisser crever. Non seulement tu avais abusé de moi sans aucun respect, mais je devais continuer à te servir ! je devais assumer le fait que tu étais incapable de te maîtriser, et avec le sourire.
Et le pire, c’est que j’y suis allée !
Nuit de sommeil. Réveil. Il existe une capacité de confiance et de dialogue entre nous. Je prends mon souffle et j’exprime mon malaise sur la veille, ce que j’en saisis à ce moment, en tout cas. Évidemment, c’est extrêmement difficile d’aborder ce genre de chose. Quel genre d’altitude prendre ? Et oui, réflexe de fille bien éduquée, je cherche à ne pas faire de mal à l’autre. À ne pas y aller de façon trop offensive. Atténuer mes élans de féministe frustrée parce que ça pourrait trop te heurter, que de te dire que c’était grave. Et puis aussi quand même, avant de réussir un à admettre ça et deux à l’exprimer, ben fais-en des tours du monde.
N’empêche que je suis quand même capable de m’exprimer. De dire que tu avais réellement abusé. Que c’était pas normal. Que l’alcool transformait profondément ton comportement et te rendait irrespectueux, envers moi. Qu’il ne faudrait plus reproduire ce type de situation. cela m’a fait du bien de réussir à m’exprimer. De me rendre compte que j’étais capable avec toi de dépasser au moins par un petit bout le système dans lequel on est enfermé. De voir qu’il me semblait que tu étais réceptif à ce que je disais. Tu as au final peu réagi : normal, il faut du temps pour accepter et déconstruire. Nous reviendrons par la suite, une fois les choses un peu digérées, pour reparler profondément de tout ça. En tout cas je l’espère à ce moment-là.
Au passage tout de même une ou deux remarques qui me mettent mal à l’aise. Tu reviens sur le fait que de toutes façons, tu as arrêté avant que je ne te demande de le faire : sous-entendu peut-être que cela te sauve des accusations trop directes d’irrespect de mon corps. Mh je ne suis pas capable de réagir sur le coup. C’est une question bien trop ample : l’incapacité des femmes à réagir aux agressions. Leur éducation à les accepter sans les remettre en cause. Je suis conformée à accepter. Mais si je n’en viens pas à me confronter directement à toi, cela veut-il dire que tu n’as rien à te reprocher ? Je considère que non. Trois fois non. D’abord cette soirée-là, et par plusieurs reprises, je t’ai demandé de te calmer, d’arrêter de m’écraser et de me faire mal. Ensuite, ton comportement était de manière flagrante irrespectueuse et dominante sur moi. Je considère que tu as un devoir de faire attention à moi. Je ne suis pas dans l’histoire la seule responsable chargée d’empêcher les agressions.
Et on en vient à une autre question. L’alcool, dans tout ça. Ce soir-là, c’est sûr, tu n’étais pas en possession de tous tes moyens. Et loin, très loin de là. Et moi aussi, j’avais bu. Ce qui a par ailleurs joué dans le fait que je n’arrive pas à me révolter dans la situation. Mais peut-on mettre sur un même plan ta non maîtrise de toi et la mienne ? Le fait de boire m’a empêchée de lutter contre une situation agressante pour moi. Le fait de boire t’a permis, ou encouragé à avoir un comportement agressant, ou irrespectueux. Bilan : je ne vais plus boire avec toi car je ne suis plus en situation de confiance. Demande envers toi : que tu réfléchisses plutôt deux fois qu’une sur les conséquences de ton abus d’alcool, et que tu fasses un sérieux retour sur toi-même.
Toutes ces choses-là, confuses, pas claires le matin. J’essaye d’éclaircir tout ça et sur le moment je suis assez contente car, malgré ces quelques points, j’ai l’impression que rien n’est perdu entre nous. Que tu y réfléchis et qu’on en reparlera.
Et voilà cette fameuse soirée. Contre toute attente, tu recommences à boire, et comme un trou. On est le lendemain d’hier, je suis encore ébranlée, ce qui s’ajoute au fait que c’est une de nos dernières soirées, que je suis dans un environnement que je ne maîtrise pas, que même si je suis assurément avec des gens sympas je reste dans ton univers. Je crois que le fait que tu boives me dégoûte un peu, à ce moment. Je te fais les gros yeux. Tu ne réagis pas.
Tu continues à boire et à t’en vanter. Alors que je te fais une remarque, tu t’écris en bon gars un peu gras qui s’amuse bien avec ces copains que de toutes façons tu peux boire comme un trou, puisque tu ne vas pas me baiser ce soir. Ce qui peut apparaître comme une blague grasse légitime et respectable me touche. Bien sûr je suis une petite femme sensible qui s’en prend un peu dans la gueule face à son copain coalisé avec ses potes. Rien de grave, que de l’anodin. Mais désolé, non. Ceci est une rupture de confiance. Tu te sers d’un élément culpabilisant pour toi dans notre sphère privée, un élément grave, pour le tourner en dérision et bien paraître devant tes copains : au final tu me respectes par là puisque tu insinues que tu ne bois pas pour me baiser. Tu manipules et te réappropries des questions graves. Tu tournes en dérision une situation qui nous a préoccupé-e-s le matin même, au sein de laquelle j’ai exprimé quelque chose de difficile et de violent.
Il y a des choses sur lesquelles on ne peut pas rigoler. Tu n’aurais jamais dû te moquer de ça. J’ai reçu un message clair dans la gueule ce soir-là, même s’il m’a fallu du temps pour le décoder : tu restes un garçon dans lequel je ne pourrais jamais avoir entièrement confiance. Je dois m’armer contre toi.
Tu peux intervenir pour dire que cette remarque était anodine pour toi. Que tu avais déjà bu et que ça n’était pas très important. Je pense le contraire. Effectivement tu as dis ça sans grande réflexion : tu n’as fait que reproduire des rapports sexistes intériorisés. Effectivement tu avais un peu bu et tu te maîtrisais moins : c’est justement la question que nous avions abordée la veille. L’alcool ne légitime ni n’exclut pour moi aucune responsabilité. Et encore une fois j’exige de toi plus qu’un comportement banal de mec dominant.
Tu as continué à boire ce soir-là. Même si tu ne t’en es pas rendu compte car tu étais déjà trop bourré, j’ai cherché à te faire comprendre à plusieurs reprises mon malaise. Tu n’étais absolument pas réceptif. Tu ne prêtais aucune attention à moi. Je me souviens encore à quel point je me suis sentie mal ce soir là. Et dans un espace sans repli, dans un contexte que je ne maîtrisais pas : je ne pouvais ni partir, ni m’isoler. Je ne pouvais même pas prendre de la distance par rapport à toi.
Au final j’étais complètement désemparée. Je me souviens très bien m’être dit que je prendrai mes cliques et mes claques dès le lendemain. Que je n’avais plus rien à faire avec toi. Une fureur montait en moi contre toi, que je ne pouvais même pas exprimer devant tout le monde. Non seulement tu n’as rien vu, mais quand tu as quand même réalisé que quelque chose n’allait pas, tu as eu un comportement horrible : complètement bourré, tu as à plusieurs reprises exigé que je fasse des explications devant tout le monde. Tu m’as obligée à exprimer publiquement ma fureur envers toi, en passant par la même pour une folle hystérique devant tout le monde. À ce moment-là je ne te demandais rien d’autre que de me foutre la paix et de rentrer dans un espace privé pour parler. Tu étais simplement incapable d’une quelconque maîtrise de toi et de la situation. Et ce en raison de l’alcool que tu ingurgitais depuis le début en te justifiant que tu ne me baiserais pas.
C’est sûr, tu avais compris le message de la veille : tu y étais allé un peu fort, alors tu allais faire un peu attention pour profiter de mon corps. Pour le reste, pas de problème, le respect c’est pas pour moi. En tout cas, moi j’ai reçu ce message.
Le problème, c’est que j’ai du mal à comprendre les choses. Ma fureur ce soir-là m’a complètement engloutie. Tu m’as humiliée publiquement tout en rompant la confiance entre nous. Assez pour que j’en revienne avec mes réflexes de fille bien éduquée et avec ton aide à me dire que c’était ma faute, que le problème cette soirée-là venait de moi. Je n’en reviens pas, encore aujourd’hui, du tour qu’a pris notre discussion ce soir-là. Quelle déception. J’étais désemparée et complètement déséquilibrée. Je cherchais de manière intuitive à faire les liens avec la veille pour comprendre mes réactions. Je me souviens m’être avec toi éloignée de ce lien : mon comportement n’avait aucun sens et était devenue complètement injustifié. Pire encore, tu as amené d’autres justifications : j’étais jalouse, je cherchais à t’approprier en public...
Je ne dis pas que quelque part ces raisons n’ont pas joué, même si je doute fortement de leur place centrale dans le problème. Ce que je dis aujourd’hui c’est que notre dialogue et notre travail commun sur le problème a permis de s’éloigner des questions réelles et des accusations qui te touchent. Nous n’avons pas réglé collectivement ce problème, et je pense m’être éloignée avec toi d’une compréhension de la situation telle que je l’ai vécue. Et ça me déçoit beaucoup.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Après cette discussion et mes plates excuses, je m’en retournais dans une situation où j’étais la coupable. C’est moi qui avais des choses à me faire pardonner. C’est moi qui t’avais agressé et mis mal à l’aise. C’est moi qui avais un comportement incohérent, stupide et violent.
Malgré tout, cette discussion m’a fait du bien sur certain point : oui, je suis très attachée à toi et j’étais soulagée et ébranlée de me réconcilier avec toi. Oui, j’avais envie d’être proche de toi et de me détendre dans tes bras. Besoin de crever des abcès.
Mais non, je n’avais pas vraiment envie de rapports sexuels. Je me sentais trop déséquilibrée. Trop de choses avaient eu lieu pas digérées. Le malaise était toujours là, et le souvenir de la veille. Et puis n’oublions pas que tu étais toujours complètement bourré. Mais je le dis non sans efforts, je me suis sentie obligée de faire l’amour avec toi. Parce que j’étais coupable. Parce que c’était de ma faute et que je t’avais fait du mal. Et parce que tu en avais envie. C’est désolant.
Je ne me souviens plus très bien. Je pense qu’au début c’était ni agréable ni vraiment désagréable. Juste à un moment je t’ai dit d’arrêter parce que j’en avais ras le bol. Et là tu as été carrément lourdeau. Tu m’as signifié une bonne dizaine de fois que tu avais vraiment, vraiment envie de moi. Tu m’as supplié encore plus. À ce moment-là, pour ma part je n’étais pas bourré. Je t’ai d’abord dit que je n’en avais pas envie. Mais ça ça avait pas l’air de compter, de te suffire. Il a fallu que je te prouve concrètement que ce n’était pas possible, ni que tu me pénètres ni que je te suce puisqu’on venait de faire une sodomie et qu’on avait pas de préservatif. Je me souviens que tu es allé jusqu’à dire que c’était pas grave, que je prendrais une pilule le lendemain ! ! !
Désolant. Encore une fois ce soir-là mon corps ne semblait avoir de signification que comme un objet en ta possession et ton utilisation. Mes désirs et envies n’existaient même pas. Ton désir suppléait tout.
Je suis épuisée d’écrire tout ça. Ces choses me touchent et me heurtent profondément. Et plus j’en parle autour de moi plus je réalise que l’ensemble des filles vivent ce genre de choses de manière quotidienne et anodine. Qu’avant d’arriver à en prendre conscience, à l’accepter, à en parler, et à le dépasser, il y a un tel travail épuisant que l’on se demande parfois si cela en vaut la peine. Cela en vaut-il la peine ?
Je pense encore que cela peut en valoir la peine. Mais je ne suis plus prête à assumer seule cette peine. J’avancerai avec les autres, ou sans eux. J’ai besoin de ton attention. Et de ton action.
D’autres choses à parler, aussi. Une autre fois, peut-être...
Pour ma part je vais me coucher, et dormir. Je te transmet mes pensées, espère t’avoir ébranlé, t’avoir touché pour avancer, À bientôt ensemble
Le lendemain d’hier. L’histoire ne s’arrête pas là. Nouvel épisode, le lendemain : chez mes parents. Je me souviens d’un repli de mon corps. Quelque chose que je ne maîtrisais pas, que je ne comprenais pas. Je me sentais ultra-sensible et ne supportais pas que tu me touches. Je ne voyais pas les raisons, juste le résultat : j’avais besoin d’une douceur énorme de toi. Aujourd’hui, je comprends simplement que mon corps avait perdu confiance. Que même si ma tête ne faisait pas les liens, mon corps prenait le relais. J’étais désemparée par lui. Je ne comprenais pas. Alors comment te l’expliquer ? J’ai simplement essayé de te dire ce que je ressentais. Que j’avais besoin d’aller doucement, très doucement. Qu’il fallait repartir sur un rythme ralenti. Que je sentais le besoin de me réadapter.
Tu as été désorienté, je m’en souviens. Ce qui m’a doublement désorientée. Mais ta réaction au final a été des plus mauvaises, ou des plus banales. Tu as exprimé ton malaise. Et puis tu as dis que ça te faisait chier de voir que peut-être il y avait un problème sexuel entre nous. Que tu n’avais plus envie de retomber dans tes souvenirs où l’on ne faisait plus l’amour « normalement ». J’ai été très perturbée par tes remarques. Le fait d’exprimer tes malaises, c’est positif. Mais là tu cherchais à nier mon propre malaise, à passer outre et à me culpabiliser de l’avoir, même sans t’en rendre compte. Mes réactions ce soir-là démontraient un problème, c’est sûr. Mais au lieu de chercher à le comprendre tu as retourné la question et mis au centre ton propre malaise. Ton malaise sur la possibilité de l’existence d’un malaise entre nous. Et quelque part tu m’as culpabilisée d’avoir mon malaise. Et tu as incité à ignorer le problème en me forçant plus ou moins à retrouver un comportement « normal », puisque c’était mon comportement qui était anormal.
Je me souviens à ce moment-là t’avoir dit que je trouvais ça un peu bizarre comme intervention. Que ça pouvait passer pour une obligation à faire l’amour pour ne pas se poser de questions. Pour ne pas te poser de questions et te désorienter. Et je me souviens m’être poussée, avoir poussé mon corps pour perdre, ou oublier, cacher, mon malaise. Encore une fois, les efforts venaient de moi. Parce que je n’étais pas capable de comprendre, parce que je n’étais pas capable d’exprimer, parce que tu n’étais pas capable d’entendre, parce que je ne voulais pas te faire du mal. Tout simplement parce que c’est « normal », banal comme situation.
Je n’en veux plus de cette banalité. "