Les caresses du corps

Sexe, angoisses et métamorphoses ou comment survivre à l’hétérosexualité patriarcale
29 avril 2005 par  Christine Havrot

Dans ce chapitre, je vais décrire les caresses que je n’ai pas reçues. Celles qu’il m’est si difficile à demander et surtout si difficile d’obtenir. Celles que je demande, celles qui sont refusées, bâclées, interrompues. Celles qui me laissent inassouvie, frustrée à 32 ans malgré ma liberté sexuelle, mon féminisme, mon indépendance.

C’est que je ne suis pas seule dans un couple ! Je suis avec un autre être humain , un homme que souvent je ne comprends pas et qui ne me comprends pas non plus. Et qui souvent ne veut pas comprendre... Car autant la finalité de la pratique solitaire est l’orgasme, autant la sexualité partagée est censée être un échange d’amour, de tendresse, de complicité, de plaisir, d’énergie... A voir.

Ceux qui ne font pas de caresses du tout.

Commençons par les hommes qui ne caressent pas du tout. Sur les 16 hommes qui ont traversé ma vie érotique entre mes 24 et mes 32 ans, j’en ai rencontré 3 ou 4 de cette espèce. Et quelques autres, par épisodes, me caressaient un peu et à d’autres moments pas du tout. Heureusement que je ne me suis jamais engagée avec ce genre d’homme, cela aurait fini en calvaire. Mais je plains les femmes qui ont eu le malheur de rester plus longtemps que trois mois ! D’ailleurs, comment aurais-je pu rester longtemps avec un personnage, qui à peine nu au lit avec moi, m’embrasse déjà sur la bouche en fourrant bien profondément sa langue, tripote mes seins comme s’il tournait une poignée de porte et hop, se précipite son sexe à la main sur mon pauvre vagin qui résiste comme il peut, tout sec qu’il est ? Ca brûle, ça coince, ça tire, ça finit par entrer. Je prie le ciel pour me détendre comme sur un fauteuil gynécologique et après je prie pour que ça finisse vite. Quelques coups de reins plus tard, c’est fini. Monsieur est somnolent. Et là, APRES l’acte, il m’embrasse, m’enlace et s’endort satisfait comme s’il avait fait la plus belle chose du monde.

Inutile de parler à un personnage pareil. Il ne comprend rien, il n’entend pas. Pourtant, c’est souvent l’homme charmant et cultivé qui auparavant, au dîner aux chandelles au restaurant, me chantait la beauté d’œuvres d’art ou de paysages. Comment peut-il en l’espace d’une heure devenir un pareil malotru ? A ce point là, je préfère le dernier paysan de Thessalie orientale, je crois qu’il me respecterait plus que ces indignes fils de la bourgeoisie française.

A un de ces messieurs, pas encore endormi (un mec de 45 ans, donc pas mal d’expérience), je disais, plus étonnée qu’en colère : « Mais...tu me fais mal ! ». Et voilà qu’il me répond : « J’ai eu envie de te prendre tout de suite ». J’ai eu envie de te prendre tout de suite ! Au mépris de mon corps, de ma volonté, des règles élémentaires de l’amour ? Monsieur a « pris » un vagin sec, terrorisé et récalcitrant. Et il a le culot de m’embrasser APRES et de s’endormir tranquillement ! A vrai dire, pareil acte mérite la peine de mort. Donc, pour ne pas tuer, je refoule ma rage meurtrière et je passe mon chemin. Souvent, en plus, les types de ce genre veulent me revoir ! Evidemment, c’est tellement facile pour eux, comme avec une prostituée et gratuit en plus, pourquoi s’en priveraient-ils ? Je fuis et je fais la morte jusqu’à ce qu’ils se calment. Il y en a juste un qui ne s’en est pas sorti indemne. Il a tellement assassiné mon pauvre vagin que le préservatif a craqué. J’ai été amenée à gober 24 pilules d’un coup pour prévenir une grossesse non seulement indésirable, mais fortement haïe. J’ai souffert le martyre pendant mes règles suivantes. Ce mec-là, je lui ai dit ce que je pensais, mais il n’a pas compris non plus. En fait, je crois que si j’avais insisté plus dans ma colère, il m’aurait frappée.

Le pire est que je ne peux me plaindre à personne. Amis et ennemis confondus estiment que cela est bien de ma faute si j’accepte de sortir avec un tel mec et de prêter mon corps à de telles relations. L’ennui, c’est qu’il n’est pas marqué sur son visage que c’est un baiseur ignoble et que je ne peux le deviner avant d’être sur place. Et alors là, il est souvent trop tard pour reculer. D’ailleurs, j’ai subi ce genre de mec à des moments de ma vie ou j’allais particulièrement mal : j’étais seule, désespérée, angoissée, privée d’insertion sociale, de soutien et d’argent. Ma vigilance était amoindrie et les pervers se précipitaient facilement dans la faille psychologique. Cependant, je trouve dommageable que la société les tolère, les accepte et fasse porter la faute de la mésaventure aux seules victimes. Personne n’a le droit d’exploiter la faiblesse de l’autre. La pression pour le coït et l’orgasme n’aide pas les femmes vulnérables à poser un NON définitif lorsque le mec est déjà sur elles, son sexe à la main.

Cela-dit, je me demande parfois quel pauvre plaisir ils peuvent tirer d’un vagin tout sec et hostile. Alors que c’est si agréable, y compris pour l’homme, avec la tendresse et l’excitation.

Les caresses de type « ingénieur »

C’est de loin la catégorie la plus répandue. Ce genre de comportement sexuel ne dépend pas de la personnalité de l’homme ni du type de relation qu’il entretient avec la femme. Je l’ai vécu autant dans des relations brèves que de la part d’hommes qui m’aimaient sincèrement et qui voulaient construire une union. Il est difficile pour moi de les reconnaître de loin. Comme pour les baiseurs pervers, le type « ingénieur des caresses » n’est pas décelable avant de l’avoir vu nu devant vous, en situation.

Son comportement suit alors toujours le même schéma : il se déshabille lui-même jusqu’à la nudité sans attendre, car pour lui, il n’y aucun érotisme possible dans le déshabillage. La nudité est fonctionnelle. Elle sert à avoir accès au corps de la femme et à permettre à son propre corps de fonctionner librement. Il a peut-être un peu embrassé avant, au cinéma, dans la voiture, en montant l’escalier. Il est souvent tendre dans les premiers baisers, donc sa partenaire est alléchée. Elle se dit que ça sera une belle nuit. Le déshabillage intempestif est sa première déception. Elle a peut-être envie de plus de lenteur, elle n’a pas envie de voir la quéquette du mec pointée immédiatement vers elle. Mais il est déjà trop tard. Comment faire marche arrière ? Elle ne peut plus rien dire, elle passerait pour prude. Elle ne va quant même pas dire au mec de se rhabiller, cela serait gênant et serait interprété comme un refus définitif, ce qu’elle ne veut pas.

Effectivement, le déshabillage du mec poursuit un but précis : son déshabillage rapide à elle. Il m’est arrivé d’obtempérer à cette injonction pourtant muette. J’ai enlevé ma chemise et ma jupe en essayant de garder les sous-vêtements le plus longtemps possible. Mais il est impossible de les garder longtemps dans cette situation, puisqu’ils sont un obstacle sur la course au but. Alors, je préfère ne pas me déshabiller toute seule, mais je me laisse choir langoureusement sur le lit, en lui faisant comprendre que plus de caresses seraient les bienvenues. Mais l’homme se couche alors à côté de moi et entreprend de déboutonner illico mon chemisier et soulever ma jupe tout en mordillant vaguement mes oreilles.

Je reconnais un « ingénieur » à sa manière d’aborder la question du soutien-gorge. Les plus indélicats et les plus stupides se contentent de soulever le haut pour profiter de ma poitrine. Se faisant, l’homme ne rend service ni à ma poitrine ni à son désir. En effet, il n’y a rien de plus laid que des seins serrés à leur naissance par l’élastique du soutien-gorge, car cela leur donne la forme d’un sac. En plus, ma poitrine est comprimée par l’élastique qui n’est pas fait pour être porté au-dessus, mais EN DESSOUS du tour de poitrine. Et cela m’empêche de respirer librement ! A ce stade je vois que le mec n’a rien compris. Cela augure mal de la suite. Que faire pour sauver la nuit ? La mort dans l’âme je me résous à dégrafer mon soutien-gorge. Et c’était bien cela le but de la manip de mon partenaire.

Car « l’ingénieur » ne ressent aucun émoi à l’idée de retourner délicatement sa partenaire pour embrasser sa nuque et son dos offert pour ouvrir doucement son vêtement. Comme il n’est pas intéressé par les baisers sur le cou, les épaules, laisser glisser les bretelles, embrasser chaque cm2 de peau ultra-sensible qui apparaît en glissant le soutien-gorge vers le bas. Non, l’objectif de « l’ingénieur » est de dénuder les seins pour les soumettre à sa mécanique afin qu’ils jouent leur rôle de déclencheur d’excitation.

Donc, une fois le soutien-gorge enlevé et souvent aussi le slip dans la foulée (rester en slip alors que lui est nu met la femme dans la position de « prude »), l’homme actionne les seins comme il a du -mal - le lire dans quelconque magazine masculin ou dans un manuel de santé bas de gamme. Il fonce donc directement vers les mamelons, réputés les plus sensibles. Après, au choix, soit il les tire avec les doigts, soit il les pince avec le pouce et l’index, soit carrément, avec sa bouche, il les mord. Il m’est déjà arrivé de pousser des hurlements de douleur face à un homme qui me mordait systématiquement les mamelons. Même lorsqu’après mes avertissements et mes supplications il prétendait ne plus les mordre, il refermait les lèvres sur eux en tirant à fond. Naturellement, chez moi, le mamelon non excité se cache, se dérobe, fuit l’intrus. J’avais vraiment du mal à l’arrêter, ce mec-là. Après pareil traitement, impossible d’espérer retrouver une excitation ne serait-ce que moyenne. Le désir s’envole irrémédiablement vers des contrées lointaines.

L’actionnage direct avec les doigts est tout aussi douloureux. J’ai passé des heures à expliquer à ces hommes qu’il ne fallait pas toucher aux mamelons de but en blanc, mais uniquement lorsque l’excitation a déjà commencé. Et que pour les exciter il est bon de se pencher d’abord sur ma bouche, mon cou, mes bras, mes épaules, ma poitrine...tout, que sais-je, sauf directement sur l’endroit ultra-sensible. Je leur disais que c’est seulement après qu’un mamelon bien caressé le leur rendra bien. Le problème, c’est que mes hommes ne me croyaient pas ! Ils recommençaient de plus belle et ce n’est qu’au bout de 3 à 4 « tests » seulement qu’ils envisageaient qu’éventuellement je disais vrai. A ce rythme, je ne pouvais plus espérer aucun orgasme, chaque douleur me rendant encore plus méfiante et recroquevillée sur moi. A ce moment là, il aurait fallu tout interrompre et reprendre le lendemain. Mais j’ai rarement eu le courage de faire une révolution pareille. Le mec va interpréter ma demande comme un rejet définitif et ne pourra pas comprendre que j’ai juste besoin de me reposer après ses essais maladroits.

D’ailleurs, je n’ai souvent pas le temps de comprendre ce qui m’arrive, que déjà « l’ingénieur » passe à l’étape suivante : le sexe. A ce stade, il a soit déjà sa main dans ma culotte, soit il a enlevé la culotte et sa main se trouve sur mon sexe. Avant que j’ai le temps de faire « ouf », ses doigts sont DANS mon sexe. Parfois, si les caresses dans l’escalier sont intenses, je suis mouillée, parfois pas du tout et parfois c’est juste un petit début. Pour lui, visiblement il n’y a aucune différence entre ces trois étapes. Ce qui importe, c’est d’actionner mon sexe. Les pires, se sont ceux qui ignorent superbement le clitoris, les grandes lèvres, les petites lèvres et le Mont de Vénus et vont directement au vagin comme si rien d’autre autour n’existait, une infibulation complète. Alors, triomphalement, il me mette le doigt dans le vagin que je resserre promptement de douleur afin de les empêcher d’entrer complètement. Il y en a même qui me disaient : « j’aime bien ton petit trou ». Ce à quoi je réponds calmement et invariablement : « Ce n’est pas un trou, c’est un tunnel ». Et je soupire en pensant à mon pauvre clitoris clairement absent de l’éducation sexuelle de ces mecs.

Pour les caresses du clitoris, il n’y a le plus souvent rien à attendre du mec « ingénieur ». Il va le triturer, le tirer, le pousser, le pincer et plus l’endroit va être sec, plus il va continuer. Alors, je suis bien obligée d’arrêter le massacre qui tourne à la catastrophe. J’enlève doucement sa main, je l’embrasse, je commence à le caresser. Souvent, il ne veut pas s’allonger et il faut que je le pousse légèrement du plat de ma main. Alors, je lui fais un massage aux huiles parfumées et le mec se détend suffisamment pour accepter un peu de sensualité. Le problème, c’est qu’il ne sait rien faire en amour et pour l’apprendre, il faudrait qu’il change ce schéma mental. Pour notre relation, c’est déjà trop tard. A 100% je me suis assise sur mon orgasme, d’autant plus que lui ne va pas tarder à exiger quand même son propre plaisir jusqu’au bout, par le coït, la fellation ou les caresses manuelles. Si je peux choisir, le préfère la fellation, comme cela je reste dans la sensualité. Mais en agissant ainsi, je précipite ma chute vers la frustration puisque pour lui, il va rester gravé dans sa mémoire que je suis là pour le servir. Et j’aurai donc toutes les peines du monde à obtenir des caresses précises, même si cet homme m’aime.

L’ignorance des zones érogènes

C’est un problème qui peut survenir dans une relation avec un homme de catégorie « ingénieur » ou avec n’importe quel homme, même tendre, aimant et préoccupé par mon plaisir. Sur mes 16 partenaires, j’ai rencontré ce problème avec deux hommes avec qui j’ai vécu l’amour et une relation stable. Ils étaient tendres, affectueux, aimant, respectueux, caressants...sauf que pour mon malheur ils ne me caressaient pas là où j’aurais souhaité.

Par exemple ils me mordillaient les oreilles dès le début des caresses croyant bien faire. Ils avaient certainement entendu dire que c’était une zone érogène particulièrement sensible. Justement, C’EST une zone très sensible ! Chez moi elle est si sensible qu’il ne faut presque pas y toucher, sauf peut-être à un moment d’excitation très intense, genre phase « plateau » avant l’orgasme. Je ne sais pas moi-même quand, puisque tous mes partenaires les ont malmenés dès le départ, de sorte que j’étais obligée de crisper mon cou, serrer mes dents et leur demander d’arrêter. Bien sûr, après cela ils n’avaient plus envie d’y toucher, même après de longues explications sur la nature délicates de mes oreilles.

Dans le registre des caresses pleines de bonne volonté mais maladroites jusqu’à la brutalité, il y a le cunilingus intempestif. Il survient avant que j’ai eu le temps de réagir, pas exemple juste après des caresses sur les seins voire des baisers sur la bouche ou le cou. Avant que j’aie pu expliquer quoi que se soit, le mec a déjà plongé sa tête vers mon sexe et sans prendre la peine de caresser ni mes cuisses, ni mon ventre ni mon Mont de Vénus, il a déjà mis sa langue dans les parties les plus intimes, les plus délicates, les plus vulnérables. Je retiens mon souffle, je n’ose pas bouger ni protester. C’est si rare, un homme qui fait un cunilingus ! (quatre sur seize). Il me fait un véritable honneur en montrant un tel empressement. L’inconvénient, c’est que son enthousiasme rencontre un vagin à peine humidifié, un clitoris sur le point d’éclore seulement, un corps en général pas du tout accoutumé à se livrer immédiatement à la bouche de quelqu’un. Quelle que soit l’adresse du mec et son expérience dans le maniement de sa langue, je me crispe involontairement, car je ne suis pas prête. Je redoute que le toucher de parties sensibles peu excitées ne les dégonfle encore plus. Je le sais. Je connais mon corps, j’ai l’expérience. Mais comment le dire ? Je ne vais quand même pas lui dire qu’il le fait mal, je cours le risque qu’il ne veuille plus réessayer ! Et ça, c’est une perte sèche sans espoir de retour. Souvent, alors, je ne dis rien, j’essaye de faire passer le message par des signes indirects. Par exemple, je resserre les jambes pour fermer mon sexe, je mets la main sur les cheveux de l’homme en écartant doucement son front, je gémis en faisant « aïe ! » bien fort, dans l’espoir qu’il va comprendre sa bévue et s’arrêter avant de commettre l’irréparable.

Et bien, croyez-moi ou non, je n’ai jamais encore rencontré un homme qui ait compris mes signaux de détresse ! Que faire ? Quel dilemme ! Si je parle, je me prive à coup sûr de joies ultérieures et surtout d’orgasme. Si je ne dis rien, la catastrophe arrive. La catastrophe, c’est une vive douleur et une irritation aiguë qui m’obligent à me dégager violemment en interrompant le manège de mon partenaire. Parfois, si l’homme a la curieuse idée de mouiller exprès mon sexe avec sa salive, il ne remarque même pas l’absence d’excitation et il est fort surpris par ma réaction. Franchement, là, il ne comprend pas. Décidément, je suis trop « bizarre ». S’il a le malheur de mettre sa langue dans mon vagin, ma réaction est beaucoup plus rapide et radicale. C’est tellement désagréable que j’ai beaucoup moins de scrupules à m’échapper et à lui expliquer ce qu’il est en train de gâcher : le vagin, on le touche en dernier, sinon, cela l’assèche comme l’oued dans le désert ! Si je suis suffisamment sûre de moi pour l’arrêter avant l’irréparable, j’essaye de lui expliquer les différentes étapes de mon excitation auxquelles correspondent différentes parties de mon corps à « déguster » par paliers. Je pense que l’homme est souvent honteux d’entendre la leçon, lui qui devrait tout savoir. Alors, il essaye de s’exécuter de mauvaise grâce, mais ne renouvelle jamais le cunilingus. Pour me punir ? Je ne le sais jamais. Je n’ose pas le lui demander, ni le réclamer. Je redoute qu’il le fasse exprès de manière à me faire mal, c’est facile d’irriter des parties aussi sensibles. Il suffit d’un coup de langue mal placée directement entre les petites lèvres sur le clitoris pour que celui-ci s’en retourne à son refuge intérieur. Alors, je m’entendrai dire, comme je l’ai déjà entendu deux fois : « Tu es TROP sensible ».

Le cunilingus mérite un chapitre à part entière. Ce sujet ne clôt pas la question des zones érogènes ignorées ou malmenées. Pour en venir à mon adorable ami avec qui je suis restée 9 mois à 30 ans, il me caressait systématiquement dans les endroits à faibles zones érogènes et ignorait superbement celles qui me font crier d’extase. Par exemple, il m’embrassait sur la bouche, puis sur le cou, puis sur la poitrine. Le problème, c’est qu’il m’embrassait au MILIEU du cou et de la poitrine, ENTRE les seins, alors que les zones érogènes sont situées sur LE COTE du corps, du cou et des seins. Son toucher était donc agréable, mais sans plus, il n’y avait aucune chance qu’il me fasse monter ainsi au 7ème ciel. Souvent, mon ami continuait sur le ventre et passait directement à mon sexe en omettant les cuisses, les fesses, les pieds, les mains... Que faire dans ces conditions ? J’attendais alors qu’il ait fini la caresse pour lui demander d’une voix cajoleuse de le refaire, mais là, sur les épaules, autour des mamelons en ramenant délicatement les seins vers l’intérieur et le haut, sur les côtés, sur le petit ventre, les hanches...Je joignais le geste à la parole en promenant ma propre main sur mon cou, mes seins, mes hanches...du même geste dont je me caresse pendant le plaisir solitaire. Mon ami était encore plus excité...il posait tendrement sa main sur mes hanches et...reprenait les baisers là où il les avait laissés. Ou bien il me faisait trois petits bisous sur l’épaule, là où j’avais besoin et jugeant sans doute qu’il m’avait ainsi satisfaite, continuait son idée fixe ENTRE mes seins. J’étais découragée car le même manège recommençait à chaque fois, à chaque rencontre amoureuse. C’était beau, tendre et ... inutile, car avec l’ignorance de mes besoins, j’étais finalement juste assez mouillée de quoi vivre un coït froid et solitaire. Un coït dont la triste issue était de toute façon considérée comme « ma faute ». Comment convaincre mon amant de l’endroit ou se trouvent mes zones érogènes ? Lui faire un cours d’anatomie ? Lui coller dans les mains un bouquin sur la sexualité ? J’étais impuissante devant son ignorance et son entêtement. Par la suite, j’appris qu’il n’avait jamais de sa vie lu un livre sur la sexualité et qu’il croyait sincèrement détenir la science de manière innée. Après la rupture j’ai appris qu’il persistait à rester ignorant sur les zones érogènes. Par exemple récemment il soutenait devant moi que la peau du Mont de Vénus n’est pas plus sensible que celle de sa barbe avant rasage. Je n’ai pas osé le contredire, car je risquais de le fâcher vraiment.

« Doucement » ou ne pensez jamais que votre partenaire vous rendra les mêmes caresses que vous lui faites !

« Doucement », c’est bien le mot que je répète le plus en amour. Il illustre bien les difficultés de synchronisation de rythme avec mes partenaires. D’une manière générale, je tente de ralentir le rythme pour profiter le plus possible des caresses. L’homme, lui, tente d’accélérer le rythme pour parvenir le plus vite possible à son orgasme. De ce fait, même s’il admet la nécessité de changer de rythme quand on travaille sur MON orgasme, il a du mal à s’habituer à un tel contraste et il a toujours tendance à aller plus vite que mes besoins. D’où la nécessité, frustrante évidemment, de répéter « doucement, doucement » à chaque palier. Si j’ai de la chance, je suis écouté et j’aurai droit à un petit ralentissement avant la prochaine accélération. Si je n’ai pas de chance, c’est comme si je n’avais rien dit.

De la même manière, j’ai généralement la naïveté de penser que si je fais à mon homme un certain type de caresses, il va comprendre que ce que je lui donne, c’est exactement ce que je souhaite recevoir. Au début, j’y croyais sincèrement et je me dépensais sans compter en massages érotiques, massages des pieds, shiat-su et autres techniques de relaxation. Je fus bien surprise quand en réponse à mon dévouement, l’homme balayait mon corps d’un grand geste de main badigeonnée d’huile ou de crème et cinq minutes plus tard s’en tenait pour quitte. J’avais beau demander plus à force de « caresses-moi », l’homme ne me donnait plus rien. Etait-ce parce que je me suis dévaluée à ses yeux à force de TROP donner ? Je ne sais pas. Je n’ai pas osé approfondir le sujet de peur de débusquer un gros macho égoïste sous les traits d’un doux et tendre jeune homme. Aujourd’hui, je vois ma crédulité. Bien sûr que ce je donne n’engage, selon l’homme, aucune obligation de réciprocité. Il a été éduqué pour prendre, pas pour donner. Donner, c’est mon rôle, à moi, la femme. Si je veux modifier les règles du jeu, il faut les instaurer AVANT le massage et bien lui faire comprendre qu’après, il ne s’en tirera pas sans m’avoir rendu mon énergie. Honnêtement, je n’arrive pas encore à être aussi froide et exigeante. J’ai encore la faiblesse de croire que la générosité spontanée, cela existe...

De l’éthique sexuelle

A propos d’honnêteté. Il y a encore un paramètre relationnel auquel je n’arrive pas à m’y faire. Lorsque moi je m’engage dans une relation sexuelle, qu’elle soit pour une nuit ou pour des années, il me semble EVIDENT qu’il me faut donner le meilleur de moi-même, c’est-à-dire, ce que je suis capable de faire le mieux au moment donné dans la sexualité selon mes dispositions physiques, psychologiques, émotionnelles, sociales... L’homme recevra mon « moi » là où je me suis libérée, mais aussi là où je suis encore angoissée, malade. Je serai entièrement avec lui, qu’il soit pour maintenant ou pour toute la vie.

Les hommes, eux, ne voient pas du tout les choses de la même manière ! D’abord, ils ne traitent pas les femmes qu’ils rencontrent sur un pied d’égalité. Ils les divisent en celles pour qui ils vont faire des efforts, celles où ils investissent pour l’avenir pour une relation durable : ce sont les femmes « épouses ». Et ils y a celles pour qui ils ont décidé dans leur tête que la relation serait éphémère. Donc, ils font moins d’efforts voire pas du tout d’efforts. Ce sont alors les femmes-maîtresses, putes, filles faciles. Ces femmes-là ne peuvent rien espérer d’autres que des miettes. J’ai vécu un choc quand j’ai compris cela, tellement cela me semble être profondément malhonnête, contraire à l’éthique de l’Amour qui est Don et Générosité. Pour moi, l’amour sexuel veut dire : « Ce que j’ai, je te le donne. Ce que je n’ai pas encore, je ne peux pas te le donner. Mais si par hasard je le reçois aujourd’hui, je te le donne tout de suite ». L’amour n’est pas un investissement, un calcul d’apothicaire, un dosage, un comptage. C’est un DON.

Bien sûr, les hommes, et bon nombre de femmes dans la société ne partagent pas mon éthique. Cela ne m’empêchera pas d’y croire et de continuer à la vivre. Mais il est vrai que je ressens une certaine lassitude à l’idée de donner à des hommes qui ne sont même pas conscients des cadeaux précieux qu’ils reçoivent. A quoi bon ? Pour être vue comme une putain ? ! D’ailleurs, j’essaye de toutes mes forces de rester dans la case « femme-épouse » après avoir longtemps occupé celle de « femme-maîtresse ». En effet je constate, malheureusement pour mon éthique, que mes partenaires me respectent beaucoup plus lorsque pour eux je suis « l’épouse ».