Le féminisme écolo : ni essentialiste ni universaliste

20 juin 2005 par  Iseline

Lors d’un rassemblement écolo dans le Morvan, nous nous sommes aperçus que nous n’étions pas très satisfaites et satisfaits des théories féministes. Ce texte se veut être une introduction pour approfondir notre réflexion sur ce que peut être un féminisme écolo.

Le féminisme est aujourd’hui traversé par deux courants majoritaires : le courant essentialiste (ou différentialiste) et le courant universaliste. Il convient donc de résumer et de critiquer ces deux courants pour pouvoir les dépasser :

- Le courant essentialiste proclame le droit à la différence. Pour ces « féministes », il existerait des spécificités féminines complémentaires des spécificités masculines. Par exemple, les femmes seraient naturellement plus fidèles que les hommes. Ce courant prétend à une utilisation harmonieuse des compétences féminines dans la complémentarité des deux sexes pour le plus grand bien de la société. Ce courant se revendique féministe car il fait l’apologie des valeurs dites féminines. Ces arguments ont particulièrement été évoqués lors du débat sur la parité politique. La parité, selon les essentialistes, humaniserait l’action publique car les femmes sont naturellement plus douces et plus proches des réalités quotidiennes alors que les hommes ont une aptitude naturelle à l’abstraction et l’idéologie.

- Le courant universaliste proclame, le droit à l’égalité. Il revendique l’égalité stricte des droits au nom d’un principe fondateur de la République qui est la suspension des particularismes. Pour les universalistes, la différence biologique ne peut expliquer les différences de comportement et la domination. Toutes les différences sont expliquées culturellement. Par exemple, les jeunes filles s’orientent vers des filières faiblement valorisées alors que leurs résultats scolaires sont meilleurs que les garçons. Pour les universalistes, ce phénomène serait le résultat d’une culture intégrée peu à peu durant l’enfance et l’adolescence de ce que sont les métiers féminins et les métiers masculins. Les luttes des universalistes sont donc plutôt tournées vers le droit, elles agissent sur les lois pour parvenir à l’égalité pour tous et toutes.
Mais, le féminisme vu par ces deux courants ont des effets pervers pour les femmes.

- En affirmant que les différences biologiques entre les hommes et les femmes font des deux genres des êtres de nature différente, les essentialistes justifient le traitement différencié qui est fait aux hommes et aux femmes et exclut les femmes de tout ce qui pourrait concerner les choses sales (les affaires de frics, les trucs trop abstraits, etc.)

- Les autres pensent que les femmes doivent se battre pour accéder à tous ces trucs de mecs. Bref, tant que la moyenne des femmes n’aura pas atteint le niveau de pourriture de la moyenne des hommes, ça n’ira pas !
En tant que féministe, je ne peux donc pas me satisfaire des positions essentialiste qui détermine auparavant ce que nous devons être pour être des femmes !
Mais en tant qu’écologiste, je ne peux me résoudre à devenir une « executive woman », cette icône des universalistes qui voient dans le travail des femmes l’outil de leur libération. Voulons-nous réellement une société où les femmes seront des battantes prêtes à écraser leurs collègues masculins pour être émancipées ? Même si selon les critères habituels elles ont réussi, mes modèles féminins ne sont pas Condoleezza Rice ou Margaret Thatcher...
La société capitaliste ne libèrera pas les femmes car même si elles parviennent à obtenir toutes les armes pour lutter également avec les hommes, la majorité d’entre elles restera opprimée. En effet, le système de concurrence dans le système capitaliste libèrera à la limite une petite partie des bourgeoises hautement diplômée, prêtes à renoncer à une partie de leur vie privée (comme le font les hommes en laissant les tâches privées à leurs femmes).
Très peu de personnes sont capables de réussir une vie amicale, culturelle, familiale, affective en travaillant à des heures impossibles et dans le stress. C’est même pour cela que la société a maintenu les femmes dans toutes les tâches « privées » pour pouvoir libérer leurs maris de ces contraintes et mieux les exploiter au boulot pour le bien de l’économie et de la France.
On parle souvent concernant les femmes d’une double journée de boulot. Après l’entreprise, puis les corvées ménagères et familiales, on demande aux femmes de s’entretenir pour continuer à plaire à son petit mari, vous parlez d’une vie émancipée ! Le passage aux 35 heures pourrait être un progrès pour les femmes, elles sont libérées de quatre heures par semaine pour autre chose que le boulot et surtout son mari aussi, ce qui lui permet de mettre lui aussi la main à la pâte dans les tâches quotidiennes.

Le féminisme écolo passe donc obligatoirement par une redéfinition du travail. Tout d’abord, il n’est pas normal que les tâches dites ménagères ne soit pas autant valorisées que les tâches professionnelles. Je suis sûre que si faire la vaisselle remportait autant de prestige qu’être Bill Gates, les hommes seraient sur le créneau, et la vaisselle serait toujours nickel !
Si, en revanche, le travail économique était perçu comme le fait de produire des choses essentielles pour notre vie et pas des tas de trucs inutiles pour que la croissance augmente, on travaillerait beaucoup moins. Le fait de travailler moins permettrait à tous et toutes de faire toutes les tâches. La recherche de la croissance et de l’efficacité économique a entraîné une spécialisation dans les tâches (le boulanger à faire que du pain, le balayeur à balayer, la blanchisseuse à faire la lessive, etc.). Les divisions sociales et sexuelles des tâches sont la base des hiérarchies sociales et sexuelles.

La libération des femmes passe donc par l’abolition du travail, et des tâches hiérarchisées !