Femmes en politique

20 juin 2005 par  Aude

Qu’est-ce que les femmes ont apporté à la politique ? En théorie, et dans la pratique (méthodes, corps) ?
Mathieu : Elles ont déjà apporté une meilleure mais encore insuffisante représentation des femmes ce qui est le principal ! Ensuite la question d’un changement de la politique par les femmes est délicate. On serait tentés parfois effectivement de se réjouir de l’arrivée d’autres façons de faire de la politique, de gérer le pouvoir. Mais cette tentation est écartée selon moi par au moins deux excellents arguments : Tout d’abord on doit tristement constater que les femmes qui veulent avoir une chance de gravir les divers échelons de la société sont quasiment toujours obligées d’adopter des comportements autoritaires que d’aucuns qualifieraient de masculins. Non pas car ils sont masculins en soi mais parce que la classe sexuée dominante, masculine, en use et abuse pour garder sa place privilégiée. Donc c’est moins des individus avec leurs qualités propres qui grimpent dans les sphères du pouvoir que des personnes prêtes à sacrifier à diverses pratiques autoritaires, sexistes, populistes, eléctoralistes, xénophobes... Les personnes, femmes et hommes, refusant d’adopter ces pratiques ne montant en général pas bien haut. Ainsi comment parler d’un apport des femmes puisque en général le système oblige les personnes à se formater sur un mode autoritaire masculin. L’exception est peut-être dans les mouvements sociaux ou les partis les plus à gauche dans lesquels l’apport des femmes a trouvé plus d’ouverture. Mais ici encore il est difficile de mesurer leur apport puisque les femmes en font partie de manière intrinsèque. L’autre argument est plus spécifiquement à des questions épistémologiques de la définition des femmes et renvoie aux débats féministes. En effet parler de l’apport spécifique des femmes peut paraître quelque peu essentialiste puisque c’est partir du point de vue qu’elles auraient des caractères propres et différents à apporter la politique ici par exemple. En même temps, il serait simpliste de dénier la socialisation différente des femmes et parfois les valeurs positives que cette socialisation génère. Ainsi retombe-t-on sur la question classique de la valorisation ou non d’une socialisation féminine qui est certes le fruit d’une domination mais qui peut aussi réceler des trésors pour une future et théorique socialisation qui dépasserait les genres. C’est pourquoi je pense que l’apport des femmes est d’abord important par son rôle transgressif, représentatif et de modèle pour les autres femmes mais que dans l’ensemble, les femmes, et certains hommes, n’ont que peu réussi à changer la politique.
Anne-Gaëlle : Je ne pense qu’il y a une façon spécifiquement féminine de faire de la politique. Les conceptions différentialistes me font frémir et me semblent encore plus dangereuses et conservatrices dans le sens où elle ne débouchent absolument pas sur un travail de déconstruction des genres. Ce ne sont pas les femmes qui vont changer la nature du pouvoir. Néanmoins la lutte féministe est pour moi, nécessairement anti-autoritaire donc si toutes les féministes avaient le pouvoir, on peut imaginer que l’on s’acheminerait radicalement vers une société réellement anti-autoritaire !

Quel rapport entre luttes anti-capitalistes, anti-autoritaires, et luttes féministes ?
Mathieu : C’est simple : on ne peut penser les unes sans les autres ! Bien que selon moi, la lutte féministe est probablement la seule à englober clairement les deux autres dans sa pratique courante et dans ses écrits théoriques. En somme être féministe, au sens le plus radical, c’est déjà militer pour les autres causes !
Anne-Gaëlle : Les luttes féministes sont pour moi particulièrement englobantes car elles impliquent une forme de lutte anti-autoritaire et l’on sait que le capitalisme est basé sur des rapports de productions autoritaires. (C’est un peu simpliste comme explication, je l’avoue !)