L’important n’est pas qu’il soit exclusif, mais qu’il ne se détourne pas...
Nathan est venu dormir à la maison cette nuit. J’attendais depuis tellement longtemps que nous soyons à nouveau lui et moi dans un lit, l’un contre l’autre, qu’il a fallu que ça arrive à un moment où je n’en avais pas envie. C’est toujours comme ça. Je n’ai rien caché de Victor à Nathan (ni de Nathan à Victor), ni le post-it contre la porte qui laisserait croire que c’est l’appartement de Victor (son nom étant dessus), ni le bracelet que Victor a glissé sur mon poignet et de toutes façons Nathan a dit que mon attitude était complétement différente. Que je ne le regardais plus vraiment, que ma voix n’était plus douce quand je lui parlais, que mes mains ne cherchaient plus les siennes. J’ai dit à Nathan que nous étions un couple libre et indépendant, que bien sûr nous avions envie d’être ensemble, Victor et moi, que nous avions dormi chaque nuit ensemble depuis que nous nous connaissons, mais que nous avions le droit de coucher avec qui nous voulions. Je n’ai pas dit cela pour coucher avec Nathan, qui a une amie, mais pour lui montrer que j’aurais pu coucher avec lui si je le voulais. Et Nathan ne m’a pas cru. Il a dit que j’étais malheureux à cause de ça. Il a dit vous avez beau théoriser sur votre prétendue liberté, dans le fond, l’amour a vocation à être exclusif. Alors j’ai reconnu que j’aurais en effet du mal, en l’état actuel des choses à aller me faire baiser par un autre, mais qu’avoir le droit, simplement l’avoir était rassurant. Que ça nous obligerait chacun, Victor et moi, à être toujours à la hauteur (pour que l’autre ne se détourne pas), à donner sans cesse envie (pour que l’autre n’ait pas envie d’un autre). J’ai dit de toutes façons, votre façon hétérocentré de voir l’amour est putride. Il suffit de regarder les statistiques du nombre de divorce, y en a 50%. Un vrai échec. Et puis de toutes façons, je trouve ça bien, moi, que si Victor en ait besoin pour son épanouissement personnel, il peut aller se faire baiser par un autre, ou même se faire gang banger par cinq hommes. L’important n’est pas qu’il soit exclusif, mais qu’il ne se détourne pas. Un jour j’aurais peut-être envie d’aller sucer une autre bite que la sienne, ou qu’une autre bouche que la sienne me traîne jusqu’au septième ciel. Pour le moment, c’est vrai, je n’en ai pas envie. J’ai envie de Mars, de la gravité Martienne qui nous fait faire de grands bonds à chaque pas.