Je vis depuis un an avec mon copain dans un petit appartement du quartier d’Antigone.
Le soleil était là et nous sommes allés à la plage. Là-bas, une fois garés sur le parking de son immeuble, Marion nous a rejoint. Puis nous sommes arrivés dans ce café sur la plage, la mer devant nous faisait oublier la laideur de la côte.
Il y avait ce malaise, ce sentiment qui nous prend quand la discussion n’arrive pas, quand on sent que le silence, s’il arrive ne fera que compliquer l’échange...alors chacun s’est forcé et les mots sont venus, puis les idées, puis les silences devenus presque naturels et forcément moins gênants étaient arrêtés par le partage réciproque de l’impression du moment. Le soleil était là, et au moins l’officialisation de ce bien-être devenait un point commun à tous et surtout facile à exprimer.
Les voiliers au loin esquissaient une parade, les enfants jouaient sur le sable, les parents surveillaient.
Aujourd’hui 18 mars, je me sens spectre, je suis absent, songeur, je n’arrive pas à voir le meilleur, à trouver la vie belle, à me reprendre. Pourtant j’ai conscience qu’il faut aller de l’avant...mais ce sentiment d’être seul au monde remporte toujours sur les étincelles positives...je ne vois pas la vie en noire....simplement je ne la conçois pas. Je ne la conçois pas sans lui. Ca fait quatre ans. Avant j’étais bien, la solitude ne me dérangeait pas, puis je l’ai connu...
Il y a une heure, je suis allé le chercher, je lui ai proposé d’aller nous promener sur la plage, il proposa d’aller moins loin. On a pensé à la campagne, mais la campagne n’est pas à côté, alors on a décidé, sur son idée, d’aller derrière le grand complexe cinéma. Là-bas un petit chemin mi-terre mi-goudron nous proposait d’avancer vers des semblants de champs, plutôt des parcelles parsemées de carcasses de voitures. Nous nous sommes assis près des vignes, entourés de chardons, des touffes de chiendents pas très verts faisant office de coussin.
Je n’envisageais pas cela.
Je songe à nouveau. Nous sommes rentrés. Le problème est toujours là...Sa sœur est arrivée...évacuer le stress.
Il a fait très beau aujourd’hui.
Je sais que s’il part, que si je ne le suis pas, on ne se retrouvera pas, l’idée que quelqu’un d’autre puisse toucher son corps, que d’autres lèvres se déposent sur les siennes si douces, si envoûtantes, je n’accepte pas ces pensées qui deviendront réalité. Il me dit qu’il m’aime, je pense qu’il tente juste d’alléger les choses et d’éviter les tensions.
Quel horrible sentiment de se sentir tromper par celui qu’on aime.
Je suis un grand jaloux...et cette jalousie prend une mesure incommensurable en amour. Je ne suis presque jamais serein, j’ai du mal à apprécier les instants de rire, de bien être. Pour moi ils ne peuvent pas durer et puisqu’ils ne durent pas, je les prends comme des mirages.
Je me livre difficilement, où du moins à très long terme... j’attends tellement de l’autre que d’aller vers lui m’est difficile, ma vie amicale est presque vide...j’ai rencontré Marion, et tout est très vite passé, je me suis livré et elle a pris tout de suite une haute importance pour moi. Je me sens maladroit avec elle, je n’arrive pas à comprendre ce que je peux lui apporter... mes histoires ? mes rêves ?
Le 4 mars il m’a tenu informé de sa décision...il partirait. Il avait prit cette décision pensant que c’était l’opportunité qui ne se représenterait pas. D’un coup, tous ce qu’on avait pu envisager, nos projets, l’appart qu’on devait chercher à Paris,...tout cela s’est écroulé, et mon espoir de vivre enfin serein, avec lui, à oublier.
Expliquer ce sentiment, l’exprimer est impossible, c’est quelque chose qui se vit. Tout au long du mois de mars ma vie me semblait un vide complet, mes poumons ne suffisant pas à m’oxygéner, une sorte de cathédrale qu’on a bâtie au fil des siècles qui cède, tout simplement, du jour au lendemain.
Je suis passionné, je l’aime, il me reproche de ne jamais envisager ma vie en ne pensant qu’à moi...j’envisage ma vie, avec lui, je rêve de réussir avec lui...il m’expliqua bientôt que partir est aussi un moyen de respirer, souffler, d’arrêter ce qu’il appelle son rôle de « béquille ». C’est comme cela qu’il voit les choses, c’est comme cela qu’il perçoit notre relation, il dit qu’il m’aime, je ne l’aime pas de cette façon, on s’aime différemment. Il a pris sa décision qu’il qualifie « d’égoïste », il pense à lui. Quand je lui ai parlé de mon projet de le rejoindre, il n’a simplement pas voulu en entendre parler. Il pense que je suis malade, il veut que je lui prouve que je peux me débrouiller seul...je m’en sens capable, mais je ne comprends pas pourquoi une rupture de plusieurs mois serait nécessaire. Je pense pouvoir lui prouver sans avoir à le quitter, il est persuadé du contraire.
Aujourd’hui, 31 mars, ça y est il a déposé son dossier pour partir... je le sais, mais depuis hier, je suis souriant, je cesse de me montrer malheureux, je cesse de « pleurnicher », ma sensibilité il ne l’accepte pas, et se braque toujours plus. Alors j’ai décidé de ne plus parler des choses, j’ai décidé de ne plus l’informer de mes projets.
Demain nous sommes en avril, il ne nous reste donc que trois mois. J’essaie de voir les choses autrement, heureusement elle, elle est là, elle arrive presque à me convaincre qu’elle et moi l’an prochain ça pourrait être bien, pour l’instant je souris, j’approuve, je dis « en effet », je ne veux pas y penser.
J’éprouve le vide, je suis fatigué, deviens insomniaque, depuis ce jour de mars, je ne m’endors jamais avant deux, trois ou quatre heures de la nuit. Je me lève pourtant tôt, j’accumule la fatigue qui dessine des cernes de jour en jour, toujours plus profondes.
Je ne me sens plus très attirant, la narcisse, fane. Nous sommes passés à l’heure d’été, les journées me paraissent plus courtes, c’est quand il y a une échéance que tout s’accélère d’un coup.
Nous sommes le 2 avril. Il fait comme si les derniers événements n’avaient pas eu lieu, je le déteste, enfin je dis cela...en fait je n’arrive pas à le détester. C’est horrible d’être condamné à aimer quelqu’un quoique celui ci fasse.
Je me sens impuissant.
J’appartiens à une catégorie de gens qui ne devrait pas avoir accès à l’amour. L’amour pour ces derniers devient un véritable poison. Je regrette d’avoir été aussi faible.
Pour la deuxième fois.
Tout sonne presque faux.
« Que reste t’il de nos amours... ? »
Par la fenêtre, les yeux assistent
Au spectacle des fils électriques
Qui, avec les arbres balancent
Et semblent se laisser porter
Par le rythme trépidant
D’une danse effrénée.
J’ai pensé à l’humanitaire, partir, partir...mais partir c’est effrayant, surtout dans ces conditions. J’aimerais partir, oublier mon histoire passée, mais c’est la peur de son souvenir qui m’en empêche. Je sais que je ne pourrai pas l’oublier, ce n’est pas qu’une page qui se tourne, c’est la dernière page d’un livre qui va se refermer, je ne voulais pas penser à la fin. Surtout je crains de ne pas pouvoir effacer de ma mémoire son contenu ; son visage, son odeur, ses rires, et je regrette, je regrette mais c’est trop tard, je regrette de ne pas avoir su profiter des moments, de ne pas avoir su en créer, de ces moments qui marquent et qu’on regrette, je regrette d’avoir été passif, de ne pas avoir été acteur.
C’est trop tard.
Je regrette... un jour il prendra conscience que je ne lui aurais laissé que le souvenir de quelqu’un de torturé, un « boulet ». Et c’est horrible.
C’est un véritable échec.
Je fume des joints, j’en fume régulièrement, disons que je suis un fumeur régulier.
Un coup de poing bien placé.
La marque sur ta joue,
Etait-ce une marque d’A.
La marque sur tes lèvres était-ce une marque d’A.
Ces marques temporaires
Cette marque dans mon cœur
Est indélébile.
Je suis là, je m’ennuie, et je me dis que peut être je pourrais écrire quelque chose, je ne sais pas quoi mais je tapote je finis par aligner des mots après avoir en vain cherché à raconter une histoire... je verrai bien le résultat.
Nous avons passé le week-end dans les Alpes de Haute Provence... c’était bien, sans plus... j’ai essayé de surmonter mon angoisse, puis d’un seul coup et tellement facilement, je sombrais à nouveau.
Je crois que j’aurais mieux profité de ces deux jours si quelqu’un en particulier n’avait pas été présent... je suis jaloux.
Aujourd’hui 21 juin, il fait beau, il est parti.