C’est une histoire de Chtoun qui explique à un amant (X) qui se confie à elle au sujet d’une relation qu’il a avec une autre amante (Y), que c’est peut-être pas top comme situation. Voici un message qu’elle lui a envoyé et qu’elle s’est dit que peut-être ça pouvait servir à réflexion individuelle et/ou collective sur les profils genrés. Rq : les majuscules et quelques autres normes ont été ajoutées au message d’origine par souci de lisibilité.
"Salut X, ce qui suit n’est pas à prendre pour toi en particulier, mais je pense que c’est important que je te le dise.
D’abord, il faut que tu saches (au cas ou il y a besoin de le préciser) que j’aime à discuter avec toi, à passer du temps avec toi et tout et tout, à ce qu’on partage nos corps et nos présences.
Toutefois, il y a un petit hic : j’ai effectivement été formée à écouter et réfléchir sur les problèmes relationnels des autres (garçons et filles), seulement c’est malsain que je maintienne cette disponibilité vis-à-vis des garçons, dont toi, parce que (i) c’est continuer le sur-apprentissage de l’exploitation de mes ressources (temps/énergie/cervelle) par des garçons sur des problèmes relationnels (ce qui augmente mes chances de fouttre en l’air mes projets persos qui sont en dehors de la sphère privée relationnelle) et (ii) c’est maintenir les garçons dans le handicap social de leur incapacité de traiter des problèmes relationnels entre eux, et donc de cautionner l’exploitation de la capacité de réfléchir sur les relations auxquelles les femmes dont moi-même sont assujetties dès le plus jeune âge. Je dis pas "chacun-e sa merde, les garçons assument entre eux et les filles entre elles", mais plutôt "les garçons parlez en aux garçons ".
Donc, il ne faut plus que tu te confies à moi ou à toutes autres femmes au sujet des problèmes relationnels que tu rencontres, pour en discuter et faire le travail de réflexion avec des mecs. Aussi, je pense que si partage inter-genre il peut y avoir, il faudrait que ce soit publique : tu peux faire comme moi, en écrivant un texte qui relate ton vécu et le soumettre publiquement a réflexion collective (eg. sur gendertrouble, prostate-discussion et/ou candyflam et/ou autre), sinon ce sont les individues qui portent automatiquement (au sens propre d’automatisme dû à un apprentissage intensif) les problèmes relationnels, alors qu’en soumettant publiquement, en mettant notamment des initiales au lieu des prénoms en entier dans le récit, c’est collectivement que ça peut être porté et non individuellement par des femmes.
Je pense qu’il est urgent que les mecs discutent entre eux de leurs problèmes relationnels.
De plus, nombreux sont les mecs aux modes de relation hétérosexuelle non-exclusifs qui font porter à la ou les amante-s de B à Z les problèmes vécus avec l’amante A, et après tu décales les lettres (parce que ça tourne au cours du temps) et le résultat, c’est que les mecs se retrouvent avec un cabinet d’étude gratuit où eux-mêmes n’ont jamais à vraiment se salir la cervelle, et en plus, ironie du mécanisme, ça favorise la capacité des mecs à vivre des relations non-exclusives (parce que quand il y a un problème, il y a toujours quelqu’une [Bobonne = une amante interchangeable] pour les aider à y réfléchir) et ça défavorise cette capacité de vivre la non-exclusivité hétérosexuelle pour les femmes par le simple fait que leur énergie est déjà passée pour le développement épanouissant de la non-exclusivité du mec, et que cette énergie est perdue pour le développement [notamment] d’autre relations pour elles... on converge ainsi sur la structure en harem. Ce mécanisme correspond malgré les mecs à l’exploitation massive (au sens propre) des ressources de réflexion (+ temps/énergie) des femmes. Dans les milieux "anarchisants", on comprend/voit toujours plus facilement l’exploitation massive des animaux non-humains par les humain-e-s mais, en fait, il se passe exactement la même chose pour les femmes par des mecs notamment au niveau relationnel, sauf que c’est PRIVE et si peu conscientise que ça passe inaperçu.
Et une des choses les plus tristes dans ce type d’oppression, c’est que les femmes sont si bien dressées à être exploitées par leurs prochains, qu’elles tendent à culpabiliser sur le fait de refuser cette exploitation : par ex, hier, tu avais beau me dire "mais t’as du travail et moi je t’emmerde avec mes histoires", et bien sache que je suis si bien conditionnée que je n’arrive pas à dire de suite "oui, alors casses toi", parce que j’ai de l’empathie et que c’est dévalorisée d’être une femme qui n’en a pas, que je culpabilise quand je veux refuser mon aide même quand ce refus s’impose pour des raisons de survie (tout temps est de l’énergie de vie, et toute énergie investit dans une tache est perdue pour tous mes projets personnels dont ceux qui sortent du relationnel et qui sont urgentissimes). Du coup, je pense que c’est aux garçons d’apprendre a ne même pas demander de l’aide à des femmes ou aller en voir quand ils ne vont pas bien s’ils ne pensent qu’à leur problème en cours, parce qu’elles auront tendance à demander "qu’est-ce qu’il t’arrive" et c’est reparti pour que le mec se confie et que la meuf se fasse exploitée de la cervelle en en retirant (et c’est là le comble de l’exploitation) une satisfaction (toute relative) à avoir été exploitée, parce que c’est gratifiant quelqu’un qui te remercie quand quelque temps avant il était désespéré, que c’est touchant un mec qui te parle de relationnel et qu’il est triste, et surtout c’est gratifiant quand, par défaut, tu te sens merdique et que l’image que tu as de toi est dépendante de ce que t’en renvoient les autres, car tel est la tendance de mode de fonctionnement des opprimé-e-s.
Quelques pistes : 1. discute de tout tes trucs relationnels avec des mecs, 2. écris un texte en partant des textes que Y et moi avons mis à ta dispo.
Voilà, j’espère que tu comprends ma démarche de t’écrire ce message. je t’embrasse et te souhaite bon courage, tu vas y arriver : tout problème a des solutions. Chtoun"